Avr 9

Fioretti de saint Vincent Ferrier (1350-1419)

L’hôtelier réclamant justice

Un hôtelier vint prier Maître Vincent de prêcher sur l’obligation de régler ses dettes, car plusieurs de ses clients refusaient de le payer.

D’accord, repartit maître Vincent, je dirai combien sont coupables ceux qui retiennent le bien d’autrui. Mais auparavant, apportez-moi de votre vin.

Le plaignant lui en apporte immédiatement un pichet.

Versez ici, dit le saint, en tendant son scapulaire.

Dans ce curieux récipient, le vin demeure, tandis que l’eau coule à terre. Très peu de vin, et beaucoup d’eau !

Mon ami, conclut Vincent, vous voulez qu’on vous paie ce qu’on vous doit, mais n’avez-vous pas fait tort à beaucoup, en falsifiant votre marchandise ?

Celui qui ne voulait pas pardonner

Un homme, furieux qu’on lui eût refusé l’absolution, se plaignait partout, disant que c’était uniquement parce qu’il n’avait pas voulu pardonner à un cordonnier qui ne le méritait pas.

Vincent l’entend :

Vous ne voulez pas pardonner au cordonnier ? Soit ! Pardonnez à vous-même ! A qui faites-vous mal ? Pendant que vous le haïssez, il mange, boit et prend du bon temps : et vous, vous vous rongez le foie, sans compter l’âme qui se perd !

L’autre revient à lui : Je comprends, à présent, dit-il, quelle sottise est la haine.

Les deux prisonniers (parabole de saint Vincent Ferrier)

Deux débiteurs insolvables étaient enfermés ensemble. Les sachant incapables de payer leur dette, le roi eut pitié d’eux. Il vint durant la nuit à la prison et jeta deux bourses pleines d’or dans leur cellule.

Le premier prisonnier reçut la bourse sur le dos. Irrité, il la renvoya à l’extérieur sans se préoccuper de ce qu’elle contenait. Le second la reçut sur le bras, mais, au lieu de s’en affliger, saisit le trésor qu’on lui donnait, remercia le bienfaiteur, paya ses dettes et sortit de prison.

Prisonniers en ce monde, nous sommes tous débiteurs à cause de nos péchés. Dans sa miséricorde, Dieu nous envoie de quoi payer nos dettes, car nous en sommes incapables par nous-mêmes. L’homme doux et patient sait recevoir cet or à travers les contradictions et les tribulations. L’homme impatient et irascible, au contraire, le refuse. Il ne voit pas que la bourse de l’épreuve et de la contrariété contient l’or de la patience, et que cet or permet de payer ses dettes pour parvenir à la gloire éternelle.

Le « plus grand miracle » de saint Vincent Ferrier

Grand thaumaturge, saint Vincent Ferrier sema partout les miracles sur son passage. Dans la très cosmopolite Gênes, en 1405, les marchands de différentes nations étaient surpris de l’entendre chacun dans sa propre langue. Mais un chroniqueur de la ville, Tachetti, trouva plus étonnant encore : « Son plus grand miracle, écrit-il, fut de déraciner à tout jamais l’abus régnant parmi les femmes d’aller à l’église la tête découverte ».

Un chroniqueur français note qu’à Angers (en janvier-février 1418), saint Vincent fit tomber de dessus la tête des femmes « la creste de leur vanité ».

A Valence, en 1413, une princesse vient l’écouter avec une véritable tour de diamants sur la tête. Au milieu du sermon, une énorme pierre, partie on ne sait d’où, s’abat sur elle. Tout le monde s’empresse, mais le saint affirme calmement : Il n’y a pas de mal. C’était juste pour voir si la tour pouvait résister aux pierres.

A Chinchilla, en Espagne, Vincent remarque que les femmes attachent à leur coiffure d’interminables rubans. Dans son sermon (6 mai 1411), il raconte l’histoire d’un homme qu’on menait pendre, accompagné de son épouse en pleurs. Arrivé au lieu du supplice, les cordes firent défaut. – Mais, conclut le saint, on put le pendre avec les rubans de sa femme.

L’eau du puits

Une femme, continuellement en brouille avec son mari, demanda à Vincent un avis pour avoir la paix. Vincent lui déclara :

Si vous voulez mettre un terme à vos querelles, allez trouver le portier de notre couvent, et faites-vous donner dans un vase de l’eau du puits qui est au milieu du cloître. Lorsque votre mari rentrera, prenez vite une gorgée de cette eau sans l’avaler, et gardez-la précieusement dans votre bouche. Vous verrez le résultat : votre mari sera doux comme un agneau.

La femme s’exécute. Le mari rentre en grognant, et la femme aussitôt de boire sa gorgée. L’homme, n’obtenant pas de réponse, se tait à son tour ; et, tout heureux de ne pas être pris à partie, il remercie Dieu d’avoir changé le cœur de sa femme et fermé sa bouche, origine de toutes leurs disputes.

Le fait se reproduit plusieurs fois, toujours avec le même succès.

Lorsque la femme vint remercier Vincent, le saint lui déclara :

Le remède que je vous ai enseigné, ce n’est pas l’eau de la citerne, mais le silence. A l’avenir, gardez le silence et vous vivrez en paix.

A Valence, la sentence est passée en proverbe. Quand une femme se plaint de son mari, on lui répond : Prenez l’eau de saint Vincent.

Pour mieux connaître saint Vincent Ferrier :

— Le plus bref : Vie de saint Vincent Ferrier, en 4 pages
— Le plus complet : Vie de saint Vincent Ferrier par le père Fages (Chiré)
— Le plus populaire : Saint Vincent Ferrier par Henri Ghéon (DMM)
— Pour adolescents : Saint Vincent Ferrier, le prédicateur des temps derniers, par Véronique Duchâteau (Téqui)

De saint Vincent Ferrier :
— Traité de la vie spirituelle (DMM)
— Traité pour désaveugler les Juifs (Éditions du Sel)