Oct 31

La folie autodestructrice du protestantisme

Le principe protestant (Sola Scriptura)

L’autorité de l’Église est inutile pour comprendre le texte sacré, déclare le Protestantisme. Chaque chrétien n’a besoin que d’écouter au dedans de lui-même. Hélas ! n’est-il pas clair qu’il n’y entendra, le plus souvent, que ses passions et ses délires ? Par cette seule erreur, n’eût-il commis que celle-là, le Protestantisme s’est réprouvé, s’est condamné lui-même, posant un principe par lequel il s’auto-détruit.

La Bible n’est pas simple à comprendre

Pour apprécier sur ce point la folie du Protestantisme, il n’est point nécessaire d’être théologien ni même catholique. Il suffit de lire l’Écriture sous l’angle de la littérature ou de la philosophie.

Voici un ouvrage qui n’est pas un livre, mais un recueil de livres. Il renferme plusieurs milliers d’années dans un étroit tableau. Il annonce même l’avenir le plus lointain, embrassant l’origine et la destinée de l’homme et de l’univers. A l’histoire d’un peuple choisi, il entremêle le récit des révolutions des grands empires. A côté de la puissance et de la splendeur des monarques de l’Orient, il peint en traits naïf la simplicité des mœurs domestiques, la candeur et l’innocence d’un peuple enfant. L’historien raconte, le sage énonce tranquillement ses sentences, l’apôtre prêche, le docteur enseigne et dispute.

Ici le prophète, subjugué par l’Esprit divin, tonne contre la corruption et l’égarement du peuple, annonce les vengeances du Dieu du Sinaï, ou pleure la captivité de ses frères. il décrit les magnifiques spectacles qui se sont déroulés à ses yeux dans des moments d’extase, à travers des figures et des visions énigmatiques.

Les récits les plus variés se succèdent, rédigés dans des langues diverses, à des époques et dans des pays différents, au milieu des circonstances les plus singulières et les plus extraordinaires, faisant succéder la majesté du style épique au ton pacifique de la pastorale, l’ode ou le drame à la simple narration naïve.

Eh quoi ! Tout cela ne bouleversera point la tête orgueilleuse qui interrogera ces pages au hasard, ignorant la variété des temps, des lieux, des coutumes et des législations ?

Difficultés multiples

On sera déconcerté par les allusions, surpris par les images, aveuglé par les idiotismes ; on entendra parler dans un idiome moderne l’Hébreu ou le Grec qui écrivirent dans des siècles si reculés : quels effets tout cela produira-t-il sur l’esprit d’un lecteur qui croit que l’Écriture sacrée est un livre facile, se prêtant sans peine à l’intelligence de tous ?

Persuadé qu’il n’a nul besoin de l’instruction d’autrui, le lecteur devra résoudre toutes les difficultés par ses propres réflexions. Ou bien il se recueillera en lui-même et prêtera l’oreille à une libre inspiration qui ne saurait lui manquer. Qui s’étonnera, après cela, que l’on ait vu surgir du sein du Protestantisme tant de visionnaires ridicules et tant de fanatiques furieux ? […]

 Conséquences catastrophiques

On vit alors avec la dernière évidence qu’il n’est pas de pire abus que celui qu’on fait des choses les meilleures. Ce livre ineffable, qui répand tant de lumières pour l’intelligence et tant de consolations pour le cœur, se révéla périlleux pour les orgueilleux. Encore plus dangereux pour ceux qui joignaient au rejet de l’autorité l’idée trompeuse que l’Écriture sainte est claire dans toutes ses parties ou qu’une inspiration céleste vient nécessairement dissiper les doutes. Que dire, enfin, lorsqu’on parcourait ces pages avec la démangeaison d’y trouver à tout prix un texte qui puisse appuyer, plus ou moins torturé, telle intuition originale, tel système idéologique ou tel projet utopique ?

Lorsque les fondateurs du Protestantisme imaginèrent de placer la Bible aux mains de tout le monde, accréditant l’illusion que tout chrétien serait capable de l’interpréter, ils montrèrent une complète ignorance de ce qu’est la sainte Écriture. En réalité, cette faute était pourtant inévitable. Tout obstacle opposé à l’entière liberté d’interprétation du texte sacré aurait été une inconséquence de la part du Protestantisme, une apostasie de ses propres principes, un reniement de son origine. En même temps, cette logique est sa condamnation la plus décisive. Quels sont, en effet, les titres d’une religion dont le prélude fondamental contient le germe des sectes les plus nuisibles à la société ?

d’après Jacques Balmès,
Le Protestantisme comparé au Catholicisme (1844), ch. 7.

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