Mai 23

Les nouveaux dogmes et le nouveau culte de la nouvelle religion

Mgr Tissier de Mallerais
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A l’occasion des ordinations à Écône le 27 juin 2002, Mgr Bernard Tissier de Mallerais a dressé une synthèse particulièrement remarquée de ce qu’il a appelé lui-même « les nouveaux dogmes et le nouveau culte de la nouvelle religion ». Voici le texte intégral de ce sermon, précédé d’une présentation faite par Mgr Tissier lui-même. (Extrait du Sel de la terre 42, automne 2002).

Présentation

LE 27 JUIN 2002, j’ai voulu montrer qu’à travers la multiplicité et la diversité des erreurs professées et crues actuellement dans l’Église, qu’à travers les coupes sombres ou les nouveautés pratiquées par la liturgie postconciliaire, des idées mères se dégagent, une unité profonde se révèle, celles d’une religion nouvelle avec son culte nouveau.

Pour être hétérodoxe aujourd’hui, plus n’est besoin comme jadis de nier des vérités de foi, il suffit de changer le sens des mots. Ainsi « rédemption », « satisfaction », etc., ne sont pas absents du langage du nouveau catéchisme [1], mais ils sont vidés de leur sens catholique pour signifier autre chose, la plupart du temps non définie et délayée dans un verbiage trompeur.

De même, il n’est plus nécessaire, pour être hérétique, de contredire les vérités enseignées par le magistère traditionnel, il suffit de déplacer les accents, les retirant de l’essentiel pour les placer sur le secondaire ou du moins l’accessoire. Ainsi l’œuvre de la rédemption ne sera plus attribuée par excellence à la passion du Christ, mais plutôt à sa résurrection, à son ascension et, finalement, elle sera comme diluée dans l’ensemble des « hauts faits » du Christ. De même son sacerdoce consistera plutôt dans son sacrifice céleste, évoqué par saint Paul aux Hébreux et même dans la messe dite de saint Pie V, que dans son sacrifice de la croix.

Pour ces deux raisons, une discussion doctrinale entre les catholiques et les tenants de la nouvelle religion devient une partie de cache-cache, à moins qu’on ait la loyauté de revenir au sens catholique des mots et de replacer les accents où ils doivent l’être. C’est donc à un effort d’honnêteté intellectuelle que j’invitai, sans le dire, dans mon sermon, les tenants des tendances nouvelles.

On me reprochera d’avoir affirmé que la nouvelle religion professe que « le péché n’offense pas Dieu », alors que le nouveau catéchisme dit en toutes lettres que « le péché offense Dieu ». Mais, à lire attentivement les explications éparses du nouveau catéchisme sur la nature du péché, on en vient à cette conclusion : le péché n’offense pas réellement Dieu puisque les mots justice et injustice ne sont pas prononcés. C’est donc un effort de définition des choses qui est préalablement nécessaire. Appelons un chien, un chien, un chat, un chat ; dissipons les équivoques et les faux-fuyants.

En me livrant à cette synthèse sans prétention de la nouvelle religion, je n’ai pas prétendu que celle-ci existât nulle part à l’état pur, ou qu’il existât un esprit assez pervers dans la hiérarchie ou les rangs du sacerdoce de l’Église pour en soutenir toutes les propositions. Les modernistes du temps de saint Pie X ne professaient sans doute pas tous chacune des sentences condamnées par Pascendi et Lamentabili, et pourtant le saint pape frappa juste en exposant ainsi à toute l’Église un compendium, une synthèse complète et ordonnée des erreurs modernistes. Je n’ai fait qu’esquisser ce que pourrait être la synthèse nécessaire un siècle plus tard. L’Église la fera.

Il est enfin tout à fait étranger à mon discours de considérer qu’à cause de ces erreurs si graves et si répandues, du haut en bas de la hiérarchie, la sainte Église romaine ait cessé d’exister, que les détenteurs de l’autorité épiscopale aient perdu leur pouvoir, ou qu’enfin le souverain pontife ait perdu les clefs de saint Pierre. Une chose est l’autorité, autre chose son exercice. Une chose est la défaillance grave constatée chez l’autorité, autre chose le jugement que l’on voudrait porter sur l’existence même de cette autorité : ce jugement n’appartient qu’à l’Église, c’est-à-dire à un pape du futur. Nous n’avons pas à présager d’un tel jugement.

Par conséquent, ou plutôt par principe, l’Église demeure l’Église, il n’y en a qu’une, la sainte Église catholique, apostolique et romaine. Occupée par un système hétérodoxe, pénétrée par un venin subtil d’erreur, enserrée par les diverses tentacules de séduction, l’Église reste garantie de la promesse de l’indéfectibilité. C’est sur cette base que nous luttons pour le retour de Rome à Rome, pour la conversion de Pierre à Pierre : « Et tu aliquando conversus, confirma fratres tuos ; Mais toi, une fois converti, confirme tes frères » (Lc 22, 32).

† Mgr Bernard Tissier de Mallerais

 

Sermon des ordinations

AU NOM du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Ainsi soit-il.
Monseigneur le Supérieur général, bien chers Seigneurs,
monsieur le Directeur, chers confrères dans le sacerdoce, chers ordinands,
bien chers fidèles.

• Le changement du rite de l’ordination signifie une nouvelle religion

Dans quelques instants, l’évêque, au cours de cette cérémonie d’ordination de diacres et de prêtres, prononcera ces paroles ; aux diacres il leur dira : « Vous êtes désormais les coopérateurs du sang et du corps du Seigneur », et aux prêtres, après l’ordination elle-même, il leur dira : « Recevez le pouvoir d’offrir le sacrifice à Dieu et de célébrer des messes tant pour les vivants que pour les défunts. »

Ces paroles, qui nous semblent presque banales, de notre foi catholique toute simple, qui expriment donc l’objet même du sacerdoce qui est la consécration du corps et du sang de Notre-Seigneur pour renouveler de façon non sanglante sa passion divine, ces paroles sont désormais supprimées dans le nouveau pontifical de l’ordination tant des diacres que des prêtres. Cette disparition est très significative, et signifie que la nouvelle religion ne veut plus exprimer la transmission d’un pouvoir de consacrer le corps et le sang du Christ, et d’un pouvoir de renouveler la passion du calvaire. Et donc, mes bien chers ordinands, je suis sûr évidemment qu’au cours de vos six années de séminaire, vous avez bien pénétré la doctrine catholique qu’ignore maintenant la plupart des prêtres dans la nouvelle religion. Car ce changement du rite de l’ordination signifie une nouvelle religion ; dans cette suppression d’un pouvoir d’offrir et de consacrer le corps et le sang du Christ est exprimée précisément la nouvelle religion, dans laquelle se trouve la grande majorité des catholiques, à leur cœur défendant, mais ils y sont, dans cette nouvelle religion, qui consiste non seulement en un nouveau culte, mais dans une nouvelle doctrine.

Et donc, si vous le voulez bien, chers fidèles, en quelques mots, je décrirai tout d’abord la nouvelle doctrine de cette nouvelle religion, et ensuite son nouveau culte.

• Les nouveaux dogmes de cette nouvelle religion

1. — Le péché n’offense plus Dieu

Tout d’abord de nouveaux dogmes, par conséquent une nouvelle doctrine.

Tout d’abord le péché qui, pratiquement, n’existe plus, puisqu’il n’offense pas Dieu. On nous dit que le péché n’offense pas Dieu, mais qu’il nuit seulement au pécheur. Le péché, en effet, ne peut pas atteindre la nature de Dieu qui est incorruptible. Le péché ne fait rien à Dieu. Le péché ne fait que nuire au pécheur, lui faisant perdre la vie divine – on le concède – et, également, offensant la solidarité humaine. Dans ces conditions, le péché n’a plus cette caractéristique d’offense, de destruction de l’honneur de Dieu, de sa gloire, de sa louange ; n’a plus la caractéristique d’une désobéissance à la loi de Dieu. On nie, par conséquent, que Dieu soit en droit d’exiger de ses créatures, non seulement la louange, mais même la soumission à sa loi, comme dit saint Ignace dans ses exercices : « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu et, par là, sauver son âme. » Eh bien, louer, honorer et servir Dieu, ça n’existe plus dans la nouvelle religion, puisque le péché ne détruit pas la gloire externe de Dieu, le péché ne fait que nuire à l’homme. Vous voyez donc combien cette nouvelle religion détruit la notion même de péché, détruit la gloire de Dieu, détruit même la notion du péché comme injustice suprême, pour ne considérer que les injustices humaines ; mais l’injustice envers Dieu, le péché contre la justice de Dieu, on n’en veut plus !

2. — Le pécheur conserve sa dignité humaine

Ensuite, on nous dit que, par le péché, la dignité humaine n’est pas perdue, l’homme conserve sa dignité même après le péché. L’homme reste digne ; l’homme reste gentil, sympathique. Et, par conséquent, c’est la justification de l’œcuménisme et de la liberté religieuse. Quoi que fasse l’homme dans l’ordre religieux, qu’il honore un faux dieu ou, par un faux culte, le vrai Dieu, peu importe, il garde sa dignité ; il est digne donc d’estime et de respect. Et donc, on doit respecter sa religion et on doit, par conséquent, collaborer même avec les autres religions, puisque la dignité humaine n’est pas atteinte par le péché. Encore une seconde erreur très grave, qui légitime donc l’œcuménisme et la liberté religieuse.

Ensuite, on nous dit : puisque l’homme reste très sympathique, eh bien, Dieu continue d’aimer le pécheur, de lui maintenir son amour et sa faveur ; donc, rien n’est changé entre Dieu et le pécheur. Voilà, Dieu nous est représenté sous la forme d’un Dieu impassible, bonasse, qui accepte tout de la part de ses enfants capricieux. Sa charité, à Dieu, est donc ridiculisée. Dieu continue d’aimer même le pécheur, sans distinction, sans précision.

3. — L’homme n’a plus besoin de satisfaire pour ses péchés

Ensuite, on nous dit que, par conséquent, Dieu ne punit pas le péché par une peine quelconque, temporelle ou éternelle. Puisque le péché n’offense pas Dieu, Dieu ne punit pas. Du reste, Dieu est la bonté même : comment Dieu pourrait-il infliger des peines à l’homme pécheur ? Non, c’est l’homme lui-même qui se punit en subissant les conséquences de ses fautes, et l’enfer – si jamais quelqu’un s’y trouve –, l’enfer n’est que l’exclusion, auto-exclusion de l’amour divin. Donc l’enfer n’est plus une peine infligée par Dieu. Dieu n’a plus le droit de punir. Et, par conséquent, l’homme est lavé de tout devoir de réparation envers Dieu – ce que nous appelons, chez nous, dans notre catéchisme : la satisfaction après le péché ; le pécheur doit satisfaire pour ses péchés à la justice divine. La satisfaction, le besoin d’expier ses péchés pour réparer l’honneur de Dieu n’existe plus. L’homme doit seulement réparer sa santé spirituelle [2]. Mais réparer la gloire de Dieu, coopérer au relèvement de la créature tombée dans le péché, on n’en veut plus ! Alors que, vous le savez, la belle doctrine catholique de la satisfaction est toute à la gloire de Dieu, puisque l’homme pécheur peut se relever et redonner la gloire et la louange à Dieu, et relever même sa nature tombée, par la satisfaction, par la peine qu’il subit volontairement.

4. — La passion n’est plus ordonnée à la satisfaction de nos péchés mais à la seule révélation de l’amour du Père pour nous

Mais cette doctrine, qui donc ne veut plus ni du péché, ni de l’expiation, ni de la satisfaction, va beaucoup plus loin, puisqu’elle va même maintenant fausser le sens des souffrances et de la passion rédemptrice du Sauveur. Et donc, elle va fausser le dogme de la rédemption.

C’est à ce dogme central que se sont attaqués les modernistes. On va nous dire : les souffrances de Notre-Seigneur sur la croix sont destinées seulement à révéler l’amour de Dieu persévérant, mais non pas à satisfaire à la justice divine à la place des hommes pécheurs. Notre-Seigneur, sur la croix, n’a pas offert à son Père en notre nom aucune satisfaction. Il n’a fait que révéler aux hommes l’amour de Dieu son Père. Donc, on va tout à fait contre le dogme du précieux sang, cette loi que Dieu a posée même dans l’ancien Testament, que, sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission. On refuse le sang versé par Notre-Seigneur avec toute sa valeur d’expiation, de rémission des péchés, pour ne considérer qu’un acte gratuit par lequel le Père livre sans aucune raison son Fils à la mort, simplement pour révéler l’amour du Père. C’est la plus abominable cruauté : le Père livre son Fils à la mort la plus abominable, simplement pour révéler son amour. On a faussé, vidé le dogme de la rédemption et l’on blasphème même la sainte passion du Sauveur.

Alors qu’au contraire, notre catéchisme nous enseigne que, par sa passion, Notre-Seigneur a offert à son Père une satisfaction pour nos péchés surabondante, à cause, d’une part, de la dignité de la personne divine qui souffre sur la croix et, d’autre part, à cause de l’extrême charité et obéissance avec laquelle Notre-Seigneur souffre et, enfin, à cause des douleurs extrêmes qu’il a souffertes sur la croix. Il a donc pu offrir à son Père pour nous, à notre place, une satisfaction surabondante, presque infinie. C’est toute la beauté de la contemplation de la croix, d’y voir notre salut, notre rédemption, notre rachat, notre relèvement, et non pas seulement l’amour du Père, mais l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ d’abord.

5. — Le salut universel

Et, de toute façon, on nous dit dans cette nouvelle religion : A quoi bon le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ – à tout le plus pour révéler l’amour du Père, mais pas pour nous sauver – car tous les hommes sont sauvés, de toute façon ! C’est certain, puisque par son incarnation, comme dit le concile Vatican II, dans Gaudium et spes, par son incarnation, le Fils de Dieu « s’est uni en quelque sorte à tout homme ». Tout homme est christifié par l’incarnation, et alors, tous sont sauvés. Et, dès lors, c’est l’allégation du pape Jean-Paul II, dans un de ses livres, que, pratiquement, l’enfer probablement est vide. Tous sont sauvés. Donc, vous voyez : le dogme de la rédemption anéanti, faussé radicalement. Étant évacué le péché, étant évacuée même la justice de Dieu, on va évacuer la rédemption, supprimer la satisfaction de la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Voilà la nouvelle religion, les nouveaux dogmes.

• Le nouveau culte de la nouvelle religion

Passons maintenant, si vous le voulez bien, au nouveau culte, qui correspond au nouveau dogme.

1. — Ce n’est pas le sacrifice de la croix qui est l’acte principal de la rédemption, mais la résurrection et l’ascension de Notre-Seigneur

Eh bien ! tout d’abord, dans le nouveau culte, on nous dit que l’acte principal de la rédemption de Notre-Seigneur, sa première messe qu’il a célébrée sur la croix après la messe de la Cène, donc l’acte principal de la rédemption, ne consiste pas dans la croix du Sauveur, mais plutôt dans la résurrection glorieuse et l’ascension de Notre-Seigneur. Ce serait par sa résurrection et son ascension que Notre-Seigneur nous sauverait. En effet, Dieu couronne l’œuvre de la rédemption et manifeste pleinement son amour, l’amour du Père envers nous, en ressuscitant son Fils, puisque Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. Un point c’est tout. C’est ce que déclare le pape Jean-Paul II. Donc, la croix du Christ est un événement plutôt secondaire dans la rédemption, l’œuvre essentielle étant la résurrection et l’ascension du Sauveur.

2. — Le sacerdoce de Notre-Seigneur est principalement céleste

Ensuite, on nous dit que l’acte principal du sacerdoce de Notre-Seigneur Jésus-Christ – Notre-Seigneur Jésus-Christ comme prêtre – ne consiste pas dans l’offrande sanglante de son sacrifice sur la croix, mais, essentiellement, dans son sacerdoce céleste, par lequel donc, traversant la tente du sanctuaire céleste, il se présente à son Père avec son sang. Donc, on va nier que l’acte principal du sacerdoce soit l’offrande du sacrifice de Notre-Seigneur sur sa croix. On va mettre l’accent sur le sacerdoce céleste ; et ceci ce n’est pas nouveau : dès 1958, c’était professé par le père Joseph Lécuyer, futur successeur de Mgr Lefebvre à la tête de la congrégation des Pères du Saint-Esprit. Ces hérésies datent d’avant le Concile ; elles ont été propagées par le Concile et après le Concile.

3. — La messe est le mémorial de tous les hauts faits de la vie du Christ

Ensuite, on nous dit que la messe n’est pas le renouvellement non sanglant de la passion, non, on ne peut plus dire ça : la messe est le mémorial de tous les hauts faits du Christ au cours de sa vie, donc, non pas seulement de sa passion, mais aussi de sa résurrection, de son ascension et, pourquoi pas, de son incarnation, de sa présentation au Temple, enfin, bref, tous les hauts faits du Christ. Il s’agit d’en faire mémoire, et c’est cela qui fait la messe ! Or, notre catéchisme nous enseigne – quand même ! – que c’est bien la consécration qui réalise la messe, et la théologie 1a meilleure nous expose, en effet, que ce qui est signifié par la consécration séparée du pain et du vin, donc du corps et du sang du Christ, ce qui est signifié est produit mystérieusement : une immolation sacramentelle est réalisée, à savoir, la séparation du corps et du sang, par la puissance même des paroles du prêtre ; sous l’apparence du pain est directement le corps, tandis que sous l’apparence du vin est directement le précieux sang du Christ. Certes, non pas séparés réellement puisque, par concomitance réelle, ils sont tous les deux sous chacune des deux espèces, mais il n’en reste pas moins que par la force des paroles, ce qui est réalisé, c’est bien une séparation du corps et du sang du Christ, séparation sacramentelle. Par conséquent, on nie absolument le rôle de la consécration à la messe. Il s’agit simplement d’un mémorial.

4. — La messe est valide même sans les paroles de la consécration

Ensuite, la messe, nous dit-on – c’est le cardinal Ratzinger qui a découvert ceci il y a quelques mois [3] –, la messe est valide même sans les paroles de la consécration. Oui, vous avez tous lu cela, on vous l’a expliqué ; c’est une déclaration récente du cardinal Ratzinger avec sa Commission théologique internationale : la messe est valide même sans les paroles de la consécration ! Voilà. Alors, à quoi bon un prêtre ? En effet, le peuple chrétien peut célébrer la messe, le prêtre ne sert guère à rien puisque il n’y a pas besoin de prononcer les paroles de la consécration pour que la messe soit valide. Même dépourvue des paroles du Christ, la messe vaut, la messe est valide !

5. — L’action liturgique communautaire objective les mystères du Christ et spécialement son mystère pascal

Ensuite, on nous dit que le Christ, au cours de la messe, est rendu présent, oui, mais rendu présent avec tous ses mystères salvifiques et non pas par « l’œuvre magique » de la consécration – qui est une œuvre « magique » –, mais par le vécu de l’action liturgique communautaire qui objective les mystères du Christ. Ainsi donc, le mystère du Christ, en particulier le mystère pascal, devient le mystère du culte. Voilà ce qu’on nous dit, en particulier Annibal Bugnini, cheville ouvrière de la réforme liturgique. Donc, il ne s’agit pas de consacrer le corps et le sang du Christ, mais d’évoquer ensemble, activement, communautairement, liturgiquement, tout le mystère du Christ, en particulier son mystère pascal – donc, en mettant en évidence la résurrection et l’ascension du Christ.

6. — Le sacerdoce commun des fidèles

Enfin, dernière hérésie, bien chers fidèles – je suis vraiment désolé de ce flot d’hérésies qui est à peine digne d’un sermon évidemment –, le sacerdoce commun des fidèles s’exerce au cours du mémorial eucharistique. Il convient donc de donner une plus grande place à la participation active des fidèles pour qu’ils puissent exercer leur sacerdoce commun, le prêtre devant simplement présider ces paroles du mémorial.

• Conclusion : La nouvelle religion est une gnose

Je conclus : tant dans ses dogmes que dans son culte, la nouvelle religion a vidé notre religion catholique de sa substance. La passion de Notre-Seigneur ne sert qu’à révéler d’une façon très intellectuelle et abstraite l’amour de Dieu le Père pour nous. Quant à l’amour du Christ pour son Père ou pour nous autres, on n’en sait rien. Et puis, d’autre part, le culte chrétien est seulement une mémoire : prendre conscience, en somme, de la grande œuvre des hauts faits du Christ, en prendre tellement conscience que cette œuvre devienne présente dans l’assemblée en prière, comme une auto-conscientisation commune.

Cette nouvelle religion n’est rien d’autre, bien chers fidèles, qu’une gnose. Je pense que c’est le mot qui la caractérise parfaitement, puisque c’est une religion sans péché, sans justice, sans miséricorde, sans pénitence, sans conversion, sans vertu, sans sacrifice, sans effort, mais simplement une auto-conscientisation. C’est une religion purement intellectualiste, c’est une pure gnose.

Alors, bien chers futurs diacres et prêtres, soyez assurés que je ne vous ordonne ni diacres, ni prêtres, pour être des diacres et des prêtres de cette religion gnostique. Et je suis persuadé que telle était aussi votre intention de recevoir aujourd’hui le sacerdoce catholique, des mains de l’Église catholique, et non pas de recevoir un sacerdoce gnostique des mains de je ne sais quel système gnostique.

Rejetons avec horreur, bien chers fidèles, bien chers ordinands, cette religion naturaliste, intellectualiste, qui n’a rien à voir avec la religion catholique, et soyons, au contraire, bien fermement, toujours plus fermement persuadés de la raison de notre combat, de la raison de notre sacerdoce.

Chers ordinands, vous êtes fiers de recevoir votre sacerdoce dans l’Église catholique, de la main d’un évêque catholique, de tous ces évêques qui se sont succédé en transmettant le sacerdoce catholique dans sa pureté doctrinale, d’où découle sa véritable charité pastorale. Soyez heureux, aujourd’hui, de recevoir ainsi dans l’Église catholique, le sacerdoce catholique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le sacerdoce d’un Padre Pio, le sacerdoce de tous les saints prêtres, d’un saint Curé d’Ars, le sacerdoce des apôtres, le sacerdoce qu’a vécu auprès des apôtres la très sainte Vierge Marie dont nous fêtons aujourd’hui une jolie fête. Eh bien, supplions la très sainte Vierge Marie, mère du sacerdoce, mère des prêtres – mère du Grand Prêtre et mère des prêtres – de nous garder bien fidèles au sacerdoce catholique, afin de communiquer la religion catholique.

Ainsi soit-il.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.

[1]Catéchisme de l’Église catholique, Paris, Mame/Plon, 1992

[2]Catéchisme de l’Église catholique, n. 1459 : « La satisfaction. — […] Relevé du péché, le pécheur doit encore recouvrer la pleine santé spirituelle. Il doit donc faire quelque chose de plus pour réparer ses péchés : il doit “satisfaire” de manière appropriée ou “expier” ses péchés. Cette satisfaction s’appelle aussi “pénitence”. »

[3] — Voir Documentation catholique nº 2265 du 3 mars 2002, p. 213-214 : Une note du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens reconnaît « la validité de l’Eucharistie célébrée avec l’anaphore de Addai et Mari, l’une des trois anaphores traditionnellement en usage dans l’Église assyrienne d’Orient ». Cette note précise que « l’anaphore de Addai et Mari est singulière du fait que, depuis des temps immémoriaux, elle est utilisée sans récit de l’Institution [c’est-à-dire sans consécration] ». Cela a conduit, continue la note, à « une étude longue et approfondie à propos de l’anaphore de Addai et Mari d’un point de vue historique, liturgique et théologique, au terme de laquelle, le 17 janvier 2001, la congrégation pour la Doctrine de la Foi [sous l’égide du cardinal Ratzinger] est parvenue à la conclusion que cette anaphore pouvait être considérée comme valide. Sa Sainteté le pape Jean-Paul II a approuvé cette décision. » (NDLR.)