Déc 1

1er décembre – Bienheureux Jean de Verceil (✝︎ 1283)

Confesseur, de l’Ordre dominicain

MESSE : Os justi

Oraison : « Dieu qui avez illustré le bienheureux Jean par une prudence et une fermeté merveilleuse, accordez, par son intercession, que votre famille jouisse partout et toujours d’un sage gouvernement. »

Ce n’est pas peu demander. Car la sagesse du gouvernement est chose peu commune, diminuée ou supprimée qu’elle est par les passions et les faiblesses humaines. Tout bon gouvernement doit se maintenir au-dessus, s’il veut être libre dans ses décisions, juste dans ses appréciations, bon dans son administration, ferme dans ses résolutions. Autrement c’est le flux et le reflux des sentiments inférieurs. Tout bon gouvernement fait œuvre de vérité, de justice et de bonté. On le demande à Jean de Verceil, car il réalisa l’idéal du parfait gouvernement de l’Ordre.

C’était un petit homme, qui boitait légèrement.

Il est né près de Verceil dans les premières années du XIIIe siècle. Comme beaucoup d’autres, il se rendit à Paris pour y suivre les cours de l’Université. D’élève il devint bientôt maître, et enseigna dans la célèbre Université le Droit Romain et le droit Canonique. Revenu dans sa patrie, il s’appliqua à professer l’un et l’autre à Verceil. Jean fut donc le témoin de l’arrivée des premiers Prêcheurs à Paris, le témoin de leur vie grave, austère, et cette pensée merveilleuse de saint Dominique de fonder un Ordre qui, par toute l’Église, prêcherait et défendrait la foi, excita son enthousiasme.

Ainsi, appelé à une vie plus haute, sous l’influence du bienheureux Jourdain, il s’agrégea à l’Ordre des Prêcheurs. A Bologne, près du tombeau de saint Dominique, il se forma avec soin à la discipline régulière pendant son noviciat et s’en pénétra profondément le cœur. Rapidement, par sa science, sa finesse d’esprit, son jugement sûr, il conquit, dans l’Ordre, l’estime et la confiance des Frères. Il fut institué prieur du couvent de Verceil qu’il était venu fonder. Puis, envoyé en Hongrie comme vicaire de Maître Humbert, il le représenta avec grand succès. Après avoir accompli cette mission, il fut élu Prieur du couvent de Bologne, et peu après chargé de gouverner les Frères dans la province de Lombardie. La sainteté de sa vie, dont l’austérité plutôt rigoureuse était connue, lui assurait une profonde influence. Mais, malgré cette rudesse personnelle, Jean était très bon pour les autres. Il attirait les cœurs.

Élu Maître général de tout l’Ordre au chapitre de Paris en 1864, il fut pour les Frères, pendant près de vingt ans, un modèle éclatant par sa piété, son austérité, sa prudence. A pied, le bâton à la main, il visitait les couvents des Frères disséminés à travers l’Europe. Il n’avait avec lui que deux ou trois compagnons de route. Il arrivait à l’improviste, surprenant la vie réelle des Frères, s’assurait de leur observance, de leur zèle, réformait les abus, encourageait les bons, punissait les délinquants. Il était assidu aux assemblées annuelles, appelées Chapitres généraux, qu’il dirigeait en personne, et partout il promulgua vigoureusement la discipline régulière par des lois très saintes. Hautement considéré par les Princes et les Évêques, il seconda les Souverains Pontifes dans des tractations particulièrement difficiles pour la chrétienté. En effet, il fut choisi par Innocent IV comme légat pour réconcilier certaines villes d’Italie, et comme inquisiteur contre l’hérésie auprès des Vénitiens. Urbain IV l’établit procureur apostolique de la croisade contre les infidèles ; Grégoire X l’envoya comme messager de paix auprès des républiques de Venise, Gênes, Pise, Florence et Bologne ; et enfin Jean XX et Nicolas III firent de lui leur légat auprès des rois de France et de Castille, pour amener à la paix les esprits rebelles. Clément IV le prit pour conseiller et il l’assista très fidèlement à son lit de mort.

Il fut en vérité le fils très aimant de saint Dominique et fit construire à Bologne un tombeau de marbre, remarquable par ses sculptures. C’est là qu’on ensevelit, au cours d’une cérémonie solennelle qu’il présida, les reliques du bienheureux Père fondateur ; c’est là qu’elles sont gardées religieusement jusqu’à nos jours. Nommé patriarche de Jérusalem, il refusa cette dignité avec une invincible humilité. Il demanda par deux fois qu’on le déchargeât de son office de Maître général ; mais, devant les protestations unanimes de !’Ordre et sur l’ordre du Souverain Pontife, il garda le gouvernement de la famille des Prêcheurs jusqu’à son dernier jour.

Pendant ses vingt ans à la tête de !’Ordre, Jean de Verceil connut à fond ses ressources et ses nécessités. Il eut la joie immense de compter parmi ses fils des saints comme Thomas d’Aquin, Raymond de Pennafort, Pierre de Tarentaise, Albert le Grand et d’autres dont les noms glorieux redisent la magnificence doctrinale des Prêcheurs. Le Maître était digne par sa sainteté personnelle et sa science de diriger des saints et des docteurs. Il fut mêlé intimement à la vie de l’Église. Les Papes et les prélats se servirent de son influence pour la défendre contre ses ennemis et pour réchauffer le zèle de ses fidèles. Il est une des figures les plus considérables du XIIIe siècle.

En 1282, Jean de Verceil présida le chapitre de Vienne. Malgré son grand âge, il n’hésita pas à assigner le chapitre de 1283 à Montpellier. Le bienheureux Père avait quatre-vingts ans. Selon la règle de !’Ordre dont il était un rigide observateur, il voyageait à pied. Décidé à faire son devoir jusqu’à la fin, pour imposer la pratique de la règle plus par son exemple que sa parole, il quitta l’Autriche en visitant sur sa route les couvents d’Allemagne. Et c’était un spectacle touchant de voir ce vieillard, dont l’Église entière vénérait le noble caractère, marcher au milieu de ses fils appuyé sur son bâton. On dit que le voyant affaibli, se trainant avec peine, les Frères le plaçaient par moments sur une litière qu’ils portaient sur leurs épaules. Ils allaient ainsi, par petites étapes, de couvent à couvent. A son arrivée à Montpellier, le maître se sentit défaillir. Il tint cependant le chapitre Dans la circulaire, qu’il adresse à !’Ordre, la dernière, il disait : « Je vous en conjure, souvenez- vous plus fréquemment de moi dans vos prières, afin que vos suffrages suppléent aux nombreuses faiblesses de la condition où je suis réduit et me rendent capable de servir l’ordre tant que j’en aurai la charge ».

Après le chapitre de Montpellier, Jean de Verceil, toujours infatigable, voulut se mettre en route vers Bologne. Ses forces le trahirent. Non loin de Montpellier, le saint vieillard, exténué, dut demander l’hospitalité dans une abbaye cistercienne. Mais sentant que son heure approchait, il se fit transporter au couvent de Montpellier. Il y languit, pendant quelques semaines encore, édifiant les Frères par sa piété, sa foi, sa patience. Le 30 novembre 1283, le maître rendit son âme à Dieu. Ses funérailles furent un triomphe. Les Frères l’ensevelirent dans l’église conventuelle, au côté gauche du maître-autel.

Il y reposa dans la paix, entouré de la vénération de ses fils, jusqu’en 1562. A cette date les Calvinistes, devenus maîtres de Montpellier, pillèrent le couvent des Prêcheurs et le démolirent de fond en comble. Il n’y a plus trace de la sépulture de maître Jean de Verceil. Mais ni l’Ordre, ni l’Église n’ont oublié ce grand serviteur de Dieu. En 1903, Pie X a élevé Jean de Verceil sur les autels.