Confesseur, de l’Ordre dominicain
MESSE : Os justi
Oraison : « Dieu qui avez illustré le bienheureux Jean par une prudence et une fermeté merveilleuse, accordez, par son intercession, que votre famille jouisse partout et toujours d’un sage gouvernement. »
Ce n’est pas peu demander. Car la sagesse du gouvernement est chose peu commune, diminuée ou supprimée qu’elle est par les passions et les faiblesses humaines. Tout bon gouvernement doit se maintenir au-dessus, s’il veut être libre dans ses décisions, juste dans ses appréciations, bon dans son administration, ferme dans ses résolutions. Autrement c’est le flux et le reflux des sentiments inférieurs. Tout bon gouvernement fait œuvre de vérité, de justice et de bonté. On le demande à Jean de Verceil, car il réalisa l’idéal du parfait gouvernement de l’Ordre.
C’était un petit homme, qui boitait légèrement.
Il est né près de Verceil dans les premières années du XIIIe siècle. Comme beaucoup d’autres, il se rendit à Paris pour y suivre les cours de l’Université. Jean fut donc le témoin de l’arrivée des premiers Prêcheurs à Paris, le témoin de leur vie grave, austère, et cette pensée merveilleuse de saint Dominique de fonder un Ordre qui, par toute l’Église, prêcherait et défendrait la foi, excita son enthousiasme. Il demanda l’habit de !’Ordre. Rapidement, par sa science, sa finesse d’esprit, son jugement sûr, il conquit, dans l’Ordre, l’estime et la confiance des Frères. La sainteté de sa vie, dont l’austérité plutôt rigoureuse était connue, lui assurait une profonde influence. Mais, malgré cette rudesse personnelle, Jean était très bon pour les autres. Il attirait les cœurs. Au chapitre de Paris, en 1264, il fut élu Maître Général.
Jean de Verceil administra l’Ordre pendant vingt ans. Ce furent vingt ans de labeur, vingt ans de voyages incessants. Son principe était de visiter les couvents. De sorte que pendant vingt ans, on le vit son bâton à la main, à pied, parcourir tous les pays. Il n’avait avec lui que deux ou trois compagnons de route. Il arrivait à l’improviste, surprenant la vie réelle des Frères, s’assurait de leur observance, de leur zèle, réformait les abus, encourageait les bons, punissait les délinquants.
Pendant ses vingt ans à la tête de !’Ordre, Jean de Verceil connut à fond ses ressources et ses nécessités. Il eut la joie immense de compter parmi ses fils des saints comme Thomas d’Aquin, Raymond de Pennafort, Pierre de Tarentaise, Albert le Grand et d’autres dont les noms glorieux redisent la magnificence doctrinale des Prêcheurs. Le Maître était digne par sa sainteté personnelle et sa science de diriger des saints et des docteurs. Il fut mêlé intimement à la vie de l’Église. Les Papes et les prélats se servirent de son influence pour la défendre contre ses ennemis et pour réchauffer le zèle de ses fidèles. Il est une des figures les plus considérables du XIIIe siècle.
En 1282, Jean de Verceil présida le chapitre de Vienne. Malgré son grand âge, il n’hésita pas à assigner le chapitre de 1283 à Montpellier. Le bienheureux Père avait quatre-vingts ans. Selon la règle de !’Ordre dont il était un rigide observateur, il voyageait à pied. Décidé à faire son devoir jusqu’à la fin, pour imposer la pratique de la règle plus par son exemple que sa parole, il quitta l’Autriche en visitant sur sa route les couvents d’Allemagne. Et c’était un spectacle touchant de voir ce vieillard, dont l’Église entière vénérait le noble caractère, marcher au milieu de ses fils appuyé sur son bâton. On dit que le voyant affaibli, se trainant avec peine, les Frères le plaçaient par moments sur une litière qu’ils portaient sur leurs épaules. Ils allaient ainsi, par petites étapes, de couvent à couvent. A son arrivée à Montpellier, le maître se sentit défaillir. Il tint cependant le chapitre Dans la circulaire, qu’il adresse à !’Ordre, la dernière, il disait : « Je vous en conjure, souvenez- vous plus fréquemment de moi dans vos prières, afin que vos suffrages suppléent aux nombreuses faiblesses de la condition où je suis réduit et me rendent capable de servir l’ordre tant que j’en aurai la charge ».
Après le chapitre de Montpellier, Jean de Verceil, toujours infatigable, voulut se mettre en route vers Bologne. Ses forces le trahirent. Non loin de Montpellier, le saint vieillard, exténué, dut demander l’hospitalité dans une abbaye cistercienne. Mais sentant que son heure approchait, il se fit transporter au couvent de Montpellier. Il y languit, pendant quelques semaines encore, édifiant les Frères par sa piété, sa foi, sa patience. Le 30 novembre 1283, le maître rendit son âme à Dieu. Ses funérailles furent un triomphe. Les Frères l’ensevelirent dans l’église conventuelle, au côté gauche du maître-autel.
Il y reposa dans la paix, entouré de la vénération de ses fils, jusqu’en 1562. A cette date les Calvinistes, devenus maîtres de Montpellier, pillèrent le couvent des Prêcheurs et le démolirent de fond en comble. Il n’y a plus trace de la sépulture de maître Jean de Verceil. Mais ni l’Ordre, ni l’Église n’ont oublié ce grand serviteur de Dieu. En 1903, Pie X a élevé Jean de Verceil sur les autels.