Confesseur de l’Ordre dominicain
Messe : Os justi
Oraison : « Dieu, qui avez donné au saint Patriarche Dominique, le bienheureux Bertrand, votre Confesseur, pour admirable compagnon et imitateur, accordez-nous par sa pieuse intercession, de suivre avec tant de soins ses exemples, que nous gagnions aussi sa récompense ».
Bertrand, dit de Garrigue du nom de son bourg natal, près d’Alès, qui fait maintenant partie du diocèse de Nîmes dans la Gaule narbonnaise (expression anachronique, puisqu’elle se réfère à une division établie par l’empereur Auguste. Mais le lecteur français connaît la situation de Nîmes …), fut un des premiers à se joindre au saint fondateur de l’Ordre des Prêcheurs, Dominique, dans sa lutte contre les hérétiques Albigeois de la région de Toulouse, et à se ranger sous sa discipline en unissant leur vie à la sienne. Formé sous le magistère d’un tel Père, il devint bientôt admirable par sa sainteté. Il dompta sa chair à force de veilles, de jeûnes, de flagellations ; imitant les exemples de vertu de son Père, il reproduisit pour ainsi dire l’image vivante de Dominique. Il avait sur lui-même des sentiments si modestes et si humbles qu’il ne cessait guère de pleurer ses fautes, qui lui paraissaient très graves. Ce que voyant, le bienheureux Patriarche lui prescrivit enfin de ne plus dorénavant pleurer ses péchés mais ceux des autres. Aussi Bertrand prit-il l’habitude de célébrer presque quotidiennement la messe et de dire diverses prières pour la conversion des pécheurs. Il eut à cœur de ne pas se montrer moins secourable aux âmes des trépassés ; on dit qu’un fait prodigieux, survenu la nuit, l’avait incité à remplir cet office de charité.
Comme le saint Fondateur Dominique appréciait hautement de si grandes vertus, Bertrand fut plus d’une fois choisi par lui comme associé de ses travaux et compagnon de ses voyages ; il devint ainsi le témoin et le bénéficiaire de certains miracles par lesquels Dieu confirma l’apostolat de Dominique. Il était avec lui lorsque, non loin de Carcassonne, Dominique maîtrisa par le signe de la Croix un orage qui venait d’éclater, si bien que les deux voyageurs avançaient sans se mouiller au milieu d’une pluie torrentielle’. Il était avec lui encore dans ce trajet vers Paris où, à ce que l’on rapporte, il leur fut donné miraculeusement à tous deux de comprendre et de parler la langue germanique, afin de pouvoir offrir en retour la nourriture spirituelle à des pèlerins allemands, qu’ils eurent durant quelques jours pour compagnons de route et qui s’étaient chargés avec dévouement de leur subsistance.
Bertrand joua un rôle important dans l’établissement et la diffusion de l’Ordre des Frères Prêcheurs. En effet il fut, par la volonté du saint fondateur, placé à la tête du premier couvent, celui de Toulouse. Avec le
bienheureux Mannès, le propre frère de Dominique, et cinq autres compagnons remarquables par leur valeur, il vint à Paris pour fonder une maison dans la capitale de la France. En l’an 1221, ayant réuni pour la seconde fois un chapitre général à Bologne, le saint Patriarche divisa !’Ordre en huit provinces et confia à Bertrand le gouvernement de la plus étendue d’entre elles, qui comprenait alors tout le midi de la France, des Pyrénées jusqu’aux Alpes, et qui fut appelée la province de Provence.
L’homme de Dieu exerça avec courage et sainteté pendant le temps fixé la lourde charge qui lui avait été confiée, procurant le développement de la province par la fondation de nouvelles maisons et l’admission de nombreux novices. Et l’ouvrier irréprochable ne renonça pas, même dans les derniers temps de sa vie, à la prédication évangélique ; et c’est encore pour exercer ce saint ministère qu’il s’était rendu vers l’an 1330 au Bouchet, ville appartenant autrefois au diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux et aujourd’hui à celui de Valence, quand, au cours de ses prédications au monastère des religieuses Cisterciennes, il tomba malade et mourut dans le baiser du Seigneur. Les religieuses firent inhumer le corps du saint dans le caveau de leur église conventuelle. Vingt ans après on l’en retira pour le transférer dans l’église même, et on le trouva entier et sans corruption. C’est là qu’on commença à l’honorer d’un culte religieux avec grande dévotion tandis que, au témoignage de documents anciens, plusieurs miracles s’accomplissaient par son intercession.
Depuis ce temps, il régna parmi les pieux habitants du Bouchet une telle piété envers le bienheureux Bertrand que, même après que le corps eût été transféré à Orange et finalement brûlé par les hérétiques au milieu des grands troubles suscités en France au XVIe siècle, son culte n’a jamais été interrompu, et on n’a jamais cessé d’invoquer publiquement le bienheureux Bertrand. Enfin, le Souverain Pontife Léon XIII, sur l’avis de la Sacrée Congrégation des Rites, ratifia et confirma le culte rendu au bienheureux de temps immémorial, et accorda à l’Ordre entier des Frères Prêcheurs, ainsi qu’aux diocèses de Valence et de Nîmes, la permission de célébrer tous les ans l’office et la messe en son honneur.