Apôtre
Messe
Introït : « Dieu, vos amis sont en grand honneur ; leur puissance est solidement établie. — Seigneur, vous m’avez étudié, vous me connaissez. Vous me connaissez au repos, vous me connaissez dans l’action ».
Oraison : « Seigneur, soyez le sanctificateur et le gardien de votre peuple, afin que, secouru par l’assistance de votre apôtre Jacques, il vous plaise par sa conduite et vous serve en toute sécurité ».
Il s’agit ici de Jacques, frère de Jean, un des deux fils de Zébédée. Il fut privilégié par Jésus, qui l’appela avec Jean, un jour qu’ils raccommodaient leurs filets, sur les bords du lac de Tibériade. Jésus leur dit : Venez, suivez-moi Jacques et Jean laissent tout de suite leurs filets, leur père, leur barque et se mettent à sa suite. Qu’y avait-il dans le regard de Jésus, dans sa parole, dans toute sa personne pour exercer un tel attrait, Attrait sans autre prestige ni d’argent ni de situation. Et le don que Jacques fit de lui-même fut sans retour. Il suit Jésus partout. II assiste ému à sa glorieuse Transfiguration ; il assiste de même à sa pitoyable agonie. Mais, comme les autres apôtres, sauf Jean, il l’abandonne pendant sa douloureuse Passion. Son esprit devait être si agité, si perplexe. Comment allier la grandeur et la puissance de Jésus, dont il avait été le témoin, avec cette effroyable tragédie finale ? Après la Résurrection, après la Pentecôte surtout, Jacques comprendra l’œuvre de la Rédemption.
Épître de saint Paul aux Corinthiens, I, c. 4. : « Frères, je pense que Dieu nous a mis publiquement au dernier rang, nous autres, Apôtres, comme des gens condamnés à mourir. Nous voici livrés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes insensés à cause du Christ, tandis que vous êtes sages dans le Christ. Nous sommes faibles, tandis que vous êtes forts. Vous êtes de noblesse, tandis que nous sommes de caste inférieure. Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim, la soif, la nudité ; nous sommes souffletés et errants ; nous devons travailler de nos mains. Nous sommes maudits et nous bénissons, persécutés et nous le supportons, diffamés et nous prions pour nos diffamateurs. Nous sommes devenus comme la balayure du monde, l’universel rebut jusque maintenant.
Je n’écris pas ces choses, pour vous humilier mais je vous reprends comme des enfants très chers. Car, quand vous auriez dix mille pédagogues dans le Christ, vous n’avez pas plusieurs pères. C’est moi qui vous ai engendrés dans le Christ Jésus par l’Évangile. »
Tableau réaliste et magnifique de ce que furent dans le monde les apôtres de Jésus. Cette poignée de Juifs prétendait tout bouleverser, tout détruire dans la société : les dieux, les mœurs mauvaises, les conditions injustes de la société, et à tout ce qui avait fait le monde païen substituer le culte, les enseignements, les préceptes, la religion d’un Juif Crucifié, qui se disait le Fils de Dieu, Dieu- lui-même. On leur fit bien voir l’absurdité d’une telle prétention. Et tous reçurent de la masse un accueil menaçant, Jacques n’échappa point à la révolte païenne, comme à la révolte juive. Le Maître le leur avait prédit : Vous serez haïs, mis à mort à cause de moi. Allez quand même. Aussi ce que raconte l’évangile qui suit est-il une réplique assez rude aux prétentions très humaines de Jacques et de Jean.
Évangile selon saint Matthieu, c. 20. : « En ce temps-là, la mère des fils de Zébédée s’approchant de Jésus avec ses fils, l’adora pour lui demander quelque chose. Il lui dit : Que voulez-vous ? Elle répondit : Dites, que mes deux fils que voici siègent l’un à votre droite, l’autre à votre gauche dans votre royaume. Jésus lui répondit : Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire le calice que je dois boire moi-même ? Ils dirent : Nous le pouvons. Il leur dit : En effet, vous boirez mon calice. Quant à être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de vous l’accorder, ces places sont pour ceux auxquels mon Père les a préparées. »
Jacques et Jean n’avaient rien dit, mais il était facile de voir à la manière de les présenter à Jésus, que leur mère parlait pour eux. Aussi, c’est à eux que Jésus répond. Il les regarde, ces innocents qui ne savaient pas ce qu’ils
demandaient. Pour eux c’était la place d’honneur qu’ils sollicitaient à la cour du futur roi des Juifs, le Messie de la terre. Jésus élève la question. Son royaume n’est pas de ce monde, au sens humain, il est au-dessus, dans le ciel, et là, toute place dépend de la prédestination éternelle de Dieu. Aussi, Jésus demande aux fils de Zébédée s’ils auront le courage de souffrir avec lui pour gagner une belle place. Naïvement ils répondent : mais oui, pourquoi pas ? Cette simplicité ignorante de l’avenir plaît à Jésus. Oui, leur dit-il, vous boirez mon calice, vous souffrirez avec moi. Jacques et Jean ne durent rien comprendre. Ils comprendront plus tard. Jésus les laisse sur cette parole équivoque. Jean aura sa chaudière d’huile bouillante à la Porte Latine et Jacques sera décapité à Jérusalem. C’est le calice promis. Mais alors tous deux savaient, et ils le burent avec joie, en pensant à leur Maître bien aimé.
Offertoire : « Dieu, vos amis sont en grand honneur ; leur puissance est solidement établie ».
Secrète : « Seigneur, que la passion du bienheureux apôtre Jacques vous rende agréables les offrandes de votre peuple, et que sa prière vous les fasse accepter favorablement, quoique nos mérites ne les rendent pas dignes de vous ».
Communion : « Vous qui m’avez suivi, vous serez assis sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël ».
Postcommunion : « Aidez-nous, Seigneur, par l’intercession de votre bienheureux apôtre Jacques, pour la solennité duquel nous avons participé avec joie à vos sacrements ».
Jacques a tout de même le trône où il demandait d’être assis, mais dans le ciel et non sur terre. Seulement pour l’atteindre il dut boire le calice. La paix soit avec toi, dit-il à celui qui le conduisait au tribunal, et cet homme fut tellement touché par la grâce qu’il confessa immédiatement le Christ et mourut avec lui.
D’innombrables pèlerins sont allés chercher cette paix suprême de la foi au tombeau de saint Jacques à Compostelle. Ce pèlerinage était autrefois aussi célèbre que celui de saint Pierre à Rome. En ce sens encore, Jacques occupe, même sur terre, un trône de choix.