Confesseur de l’Ordre dominicain
La Messe
Introït : « Vous avez changé mon gémissement en joie. Vous avez déchiré le sac qui me couvrait et vous m’avez entouré d’une ceinture de joie. — Seigneur mon Dieu, je vous louerai éternellement ».
Ce texte donne le trait caractéristique de Louis Bertrand. C’était un homme rude à lui-même et rude aussi pour ceux qu’il dirigeait. Austère, sévèrement mortifié, il voyait surtout l’expiation due pour nos fautes à la justice divine. Et c’est pourquoi il s’écriait volontiers : Seigneur, brûlez, tranchez ici, ne m’épargnez pas en ce monde pour me pardonner dans l’autre. Maître des novices à Valence, son pays de naissance, il les conduisait par cette voie crucifiante. Ses chapitres des coulpes ressemblaient au jugement dernier. Et le bruit des disciplines, vengeresses de l’offense faite à Dieu, se faisait entendre dans tout le couvent.
La grâce personnelle de Louis Bertrand était une grâce d’expiation. Toute la douloureuse Passion de Jésus se présentait à ses yeux et de toutes ses forces, il voulait s’y associer.
Oraison : « Dieu, qui avez élevé à la gloire des saints le bienheureux Louis, votre Confesseur, par la mortification du corps et la prédication de la foi, accordez-nous que la foi que nous professons, nous la mettions en pratique par des oeuvres continuelles de piété ».
A la pénitence corporelle, l’oraison ajoute, pour la gloire de Louis Bertrand, le prestige d’une grande foi.
Il passa, en effet, dans les Indes, où il fut, pendant plusieurs années un zélé missionnaire. Par un don spécial de Dieu, tout en ne parlant que la langue espagnole, il était compris des peuples les plus divers. Son succès apostolique fut très fructueux. Il semait, du reste, les miracles sur ses pas.
Épître de saint Paul aux Romains, c. 10. : « Frères, par la foi du cœur on parvient à la justice, niais par la confession de la bouche, on atteint le salut. L’Écriture ne dit-elle pas : Quiconque croit en lui ne sera pas confondu. Il n’y a pas de distinction entre Juif et Gentil. Il est le même Seigneur pour tous, riche envers tous ceux qui l’invoquent. Car quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé.
Mais comment pourraient-ils invoquer celui en qui ils n’ont pas cru ? Comment pourraient-ils croire en celui qu’ils n’ont pas entendu ? Comment pourraient-ils entendre, s’il n’y a personne qui leur prêche ? Comment prêcheraient-ils, s’ils n’avaient été envoyés ? Selon ce qui est écrit : comme ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent les biens. ! Mais tous n’obéissent pas à l’évangile. Isaïe, ne dit-il pas : Seigneur, qui a cru à notre prédication ? La foi vient donc de la prédication et la prédication de la parole du Christ. Mais je dis : N’ont-ils donc pas entendu ? Allons donc ! Leur voix s’est répandue par toute la terre, leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde. »
Il n’y a sur terre, devant Dieu, aucune distinction : il est riche pour tous et à tous il ouvre ses trésors. Pauvre ou riche, ignorant ou savant, tous, de n’importe quelle nation, sont appelés. La foi, la divine espérance, l’amour de Dieu, toute la joie éternelle et toutes les grâces pour la posséder sont le patrimoine de l’humanité entière. Dieu est pour tous le bon Dieu. Ses bras sont ouverts, immensément ouverts à tous. Il ne rejette personne. Les plus misérables, qui demandent pitié, sont les mieux accueillis. Si le Père du ciel a des préférences, elles sont pour eux.
Graduel : « Le peuple que je ne connaissais pas s’est fait mon serviteur ; en entendant ma voix, il m’a suivi. — Aussi je vous glorifie, Seigneur, parmi les nations, et je chante votre nom. »
Alléluia, Alléluia : « Je vous aime, Seigneur, vous qui êtes ma force. Le Seigneur est mon appui et mon refuge, il est mon libérateur. Mon Dieu, mon secours, j’espère en vous ».
Évangile selon saint Marc, c. 16. : « En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Allez dans le monde entier, prêchez l’évangile à toute créature.
Celui qui croira et recevra le baptême, sera sauvé. Celui qui ne croira pas, sera condamné. Voici les prodiges qui accompagneront ceux qui croiront : Us parleront des langues nouvelles pour eux ; ils prendront des serpents dans leurs mains ; s’ils boivent un poison mortel, il ne leur sera pas nuisible. Ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci seront guéris. »
Louis Bertrand entendit la voix du Maître : Allez ! Il partit. Il réalisa en lui-même le type idéal du Prédicateur de l’évangile, et, de son côté, le Maître fit resplendir dans son œuvre les signes de sa présence, par les prodiges qui accompagnaient la parole de son
serviteur. Pour sauver les âmes, pour faire œuvre d’apôtre véritable, il faut l’action combinée du Maître et du serviteur. N’est pas apôtre qui veut. Même la science la plus élevée, à elle seule, ne crée pas un apôtre ; elle fait des professeurs, elle peut faire des orateurs ; pour créer un apôtre, il est nécessaire, en plus de la science, de la lumière intérieure du Saint-Esprit qui éclaire l’âme sur Dieu connu, aimé, désiré, et donne à la volonté le désir passionné de le faire connaître et de le faire aimer. Voyant Dieu, ce qu’il est en lui-même et ce qu’il est pour nous, comprenant à fond l’inanité des joies et des biens de la terre, la vérité unique des joies éternelles, l’apôtre n’a plus qu’un désir, désir impétueux, jamais satisfait, de donner aux autres la lumière qu’il possède. Alors, rien ne coûte, rien ne compte : Dieu seul à faire connaître, Dieu seul à faire aimer et ainsi assurer aux âmes leur salut éternel. Tel fut Dominique, l’idéal des apôtres, tel fut son fils, Louis Bertrand, vivant de son esprit.
Offertoire : « Votre verge et votre bâton me furent une consolation ; vous m’avez préparé une table pour m’aider à vaincre mes adversaires ; vous avez parfumé ma tête d’huile ».
Cette table, c’est la sainte Eucharistie, cette huile, c’est le don de l’Esprit-Saint. Fort de cette divine nourriture, fort de la vertu de l’Esprit, Louis Bertrand pouvait combattre vaillamment pour Dieu. Il trouvait dans sa pénitence, dans la verge et le bâton, symbole de sa sévère austérité, une consolation intime, celle d’unir ses souffrances aux souffrances du Sauveur.
Secrète : « Nous vous offrons, ô Dieu, le sacrifice de cet autel, préparé pour nous par le Roi des rois Jésus-Christ et nous vous demandons, par les mérites du bienheureux Louis, d’y puiser force et consolation ».
Communion : « Je t’ai placé comme une lumière pour les nations, afin que tu portes mon salut jusqu’aux extrémités de la terre ».
Postcommunion : « Accordez-nous, Dieu tout- puissant et miséricordieux, que, en célébrant les mérites du bienheureux Louis, nous imitions aussi ses vertus, qu’en les imitant nous fassions des progrès, et que, en progressant, nous puissions arriver avec lui au céleste royaume ».
Louis Bertrand mourut à Valence en 1581. Sa dernière maladie fut longue et douloureuse. L’archevêque de Valence, son ami intime, voulant le soulager, le fit transporter dans une maison de campagne, où les soins les plus affectueux l’entourèrent. Il y expira le 9 octobre, comme il l’avait prédit.
Son corps repose à San Esteban, son église paroissiale, proche de la maison paternelle.
Il fut canonisé par Clément X en 1671.
Chaque saint de Dieu a un caractère personnel, qui reproduit de façon plus expressive un trait de Notre-Seigneur. Louis représente l’expiation à la justice divine. C’est un des côtés, et non le moindre, de la douloureuse Passion de Jésus. C’est ainsi qu’il faut regarder Louis Bertrand, avec ses haires et ses disciplines, avec son visage endolori. Il est, lui aussi, un « homme de douleurs », crucifié, lamentablement ensanglanté. Il expie, il crie miséricorde pour les péchés du monde. Nous pouvons nous unir à lui, sans crainte d’être trop nombreux.