Vierge, Tertiaire de l’Ordre dominicain
La Messe
Introït : « Il m’est doux de m’attacher à Dieu, de mettre mon espérance dans le Seigneur Dieu. Ma chair et mon cœur en défaillent. Dieu est le Dieu de mon cœur, ma part à moi pour l’éternité. — Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit ! »
Nous saluons avec la plus tendre vénération notre bienheureuse mère, sainte Catherine de Sienne. Notre mère à tous, car, par un dessein merveilleux de la Providence, Catherine de Sienne, une simple tertiaire, fut suscitée de Dieu pour rendre à ¡’Ordre de Saint-Dominique, une vie nouvelle, la vie de sa première jeunesse.
Aussi porte-t-elle en son âme les deux caractères essentiels de la famille dominicaine : la contemplation et l’action. Et, chez Catherine de Sienne, ces deux caractères sont resplendissants. Elle les reproduit avec une telle intensité, que les regards en sont éblouis.
Catherine, dès son plus jeune âge, entend la voix de Jésus qui l’appelle à la vie intérieure, qui la sollicite de se donner à lui sans réserve. Et en même temps, il se montre à elle, la tiare en tête, revêtu des ornements pontificaux, pour lui indiquer quel sera le fruit de cette vie intérieure : le salut de l’Église. Les deux paroles du Christ vont de pair : la parole du dedans qui forme l’âme de Catherine sur l’image de Jésus crucifié ; la parole du dehors qui lui dit : Va ! sauve les âmes, voyage, prêche, aux Papes, aux cardinaux, ramène à Rome mon Vicaire.
Mission étonnante dans une humble fille, mais mission conforme à ce qu’elle est comme tertiaire dominicaine. Tout l’esprit de saint Dominique repose dans l’âme de
Catherine. Elle est, à son époque, tout l’Ordre des Prêcheurs.
Aussi quelle contemplation ! Comme Catherine s’attache à Dieu ! Comme elle vit de Dieu ! Qui eut plus qu’elle les tendresses de Jésus ? Il la forme lui-même, il lui apprend à lire et à écrire ; il récite l’office divin avec elle ; il l’incorpore avec une violence inouïe à sa douloureuse Passion ; il imprime sur ses membres les stigmates de ses blessures ; il lui prend son cœur et met le sien à sa place ; il célèbre avec elle des noces mystérieuses, symbole énergique de leur amour mutuel. Catherine en défaille de douceur. Sa vie, cette vie qui n’est plus qu’une souffrance perpétuelle, elle la répand goutte à goutte pour le salut de l’Église. Ce n’est vraiment plus elle qui vit, c’est le Christ qui vit, qui agit, qui parle en elle. Aussi tout l’enfer l’assaille ; elle est en but à toutes les fureurs du démon, qui voit en cette petite femme son adversaire le plus terrible.
C’est pourquoi, nous demandons dans l’oraison la force de le vaincre nous-mêmes, pour faire triompher le Christ en nous et autour de nous.
Oraison : « Dieu, qui avez décoré la bienheureuse Catherine du privilège spécial de la virginité et de la patience ; qui lui avez accordé de triompher des attaques des mauvais Esprits, et de demeurer invincible dans l’amour de votre nom, faites, nous vous en prions, que, à son exemple, foulant aux pieds l’iniquité du monde, nous triomphions de toutes les embûches de nos ennemis et que nous arrivions en toute sécurité à jouir de votre gloire. »
Épître de saint Paul aux Galates, c. 6 : « Frères, pour moi, puissé-je ne me glorifier en rien, si ce n’est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel le monde a été crucifié pour moi et moi pour le monde. Car dans le Christ Jésus, la circoncision n’est rien ni non plus l’incirconcision : il n’y a plus qu’une nouvelle créature. Tous ceux qui s’attacheront à cette règle, paix sur eux et miséricorde, ainsi que sur l’Israël de Dieu. Désormais, que personne ne me cause d’ennuis. Car je porte dans mon corps les marques de Jésus. La grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit, Frères. Amen. »
C’est aux Judaïsants que Paul s’adresse, à ceux qui voulaient continuer à observer la loi mosaïque, tout en étant chrétiens. C’est fini ! dit saint Paul. Nous avons le Christ, nous vivons du Christ. Notre marque distinctive à nous n’est pas la circoncision ou l’incirconcision, c’est la Croix de Jésus. Cette marque, je la porte, ce sont les tourments que j’endure pour lui. Voilà les vrais stigmates du Christ, les stigmates essentiels, ceux que tout chrétien doit porter en lui- même, selon les desseins de la Providence. Il faut, pour être vraiment chrétien, participer à la Passion de Jésus. C’est à tous que l’Apôtre écrit : Si vous voulez être glorifiés avec le Christ, soyez crucifiés avec lui. Et les stigmates miraculeux de sainte Catherine, comme de saint François, ne sont que la consécration solennelle de l’incorporation déjà faite à Jésus crucifié. Ils ne la donnent pas, si ce n’est comme signe extérieur, ils la confirment et attestent au dehors la vie de souffrance intense, de ceux qui en sont favorisés.
Graduel, en dehors du Temps Pascal : « Comme l’étoile du matin, dans la brume légère, comme le soleil resplendissant, ainsi brilla Catherine dans le temple de Dieu. —
Aux jours de sa vie, les sources d’eau jaillirent en abondance, elles devinrent aussi vastes que les flots de la mer. »
Alléluia, alléluia : « Catherine est plus brillante que toutes les étoiles ; elle est l’honneur éternel des vierges. »
Trait, pour le Temps de la Septuagésime : « Ma chair et mon cœur défaillent, Dieu de mon cœur, vous êtes ma part, ô Dieu, pour l’éternité. — Mon âme s’est fondue de délices, au son de la voix de mon Bien-aimé. — Il m’a introduite dans son cellier, il m’a placée sous l’étendard de son amour. — Soutenez-moi avec des fleurs, soutenez-moi avec des fruits, car je languis d’amour. — Il a placé sa main gauche sous ma tête, et sa main droite m’enlace. »
Douceurs de l’amour de Dieu que savourait Catherine dans ses ravissements. Jamais, nous ne saurons en ce monde la tendresse de Dieu. Si notre tendresse à nous, chétives créatures, nous émeut délicieusement jusqu’à nous faire oublier tout ce qui est en ce monde, jusqu’à ravir notre pauvre cœur avec tant de joie qu’il pourrait en éclater, que doit être la tendresse de Dieu ! La nôtre n’est qu’une image de la sienne, et cependant elle nous semble déjà si douce.
Évangile selon saint Matthieu, c. 13 : « En ce temps-là, Jésus dit à la foule cette parabole : Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé, qu’un homme sème dans son champ. C’est la plus petite des semences, mais quand elle croît, elle devient le plus grand des légumes, comme un arbre où les oiseaux du ciel viennent et se reposent sur ses branches.
Il leur dit cette autre parabole : Le royaume des cieux est semblable à la levure qu’une femme met dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout soit levé, Jésus leur dit toutes ces choses en paraboles, et il ne leur parlait pas sans paraboles, afin que fût accompli ce qui avait été dit par un prophète : je parlerai en paraboles et je révélerai les choses cachées depuis la création du monde.»
Ce grain de sénevé, qui le fut plus que Catherine de Sienne ? Comment cette fille du teinturier de Sienne, sans instruction, sans ressources, a-t-elle pu prendre dans l’Église, dans les affaires les plus graves de l’Église, une place prépondérante ? Car, Catherine n’avait rien en elle pour cette mission inouïe et de plus, elle suscita autour d’elle, même chez les meilleurs, toutes les contradictions. Mais, précisément, elle avait conscience d’être ce petit grain de sénevé, c’est- à-dire rien. Toute sa force d’activité publique vient de là. Elle parle au nom du Christ, elle voyage au nom du Christ, elle enseigne au nom du Christ. Si elle va comme ambassadrice de Florence à Avignon, auprès de Grégoire XI, c’est au nom du Christ ; et quand, malgré les fureurs de ses adversaires, elle dit nettement à Grégoire XI que Dieu lui ordonne de retourner à Rome, elle le fait au nom du Christ Rien ne la rebute, rien ne l’arrête, si bien que le Pape Urbain VI, l’ayant entendue dans une réunion des cardinaux, leur dit : Cette petite femme nous fait honte. Le Christ vit en Catherine, elle disparaît en lui. Aussi quand elle voit la désolation de l’Église, ce schisme qui allait ravager la chrétienté, Catherine ne peut plus vivre. Tous les jours elle se rend au tombeau de saint Pierre et là, effondrée devant les restes du premier Pape, dévorée par la fièvre et la douleur, si menue dans sa détresse et son agonie qu’elle ne paraît plus qu’une pauvre petite forme blanche, elle s’offre en victime d’expiation. C’est le crucifiement pour Catherine ; c’est la mort angoissée comme celle de son Maître. Comme lui, elle meurt pour le salut du monde, là-bas, dans une maison, près de l’église de la Minerve, l’église de son Ordre.
Offertoire : « Je dis la vérité devant le Christ et je ne mens pas : ma tristesse est profonde et la douleur m’étreint continuellement le cœur. Je voudrais être anathème loin du Christ pour mes frères. »
Anathème ! Séparée du Christ, ô Catherine, vous ne le pourriez pas. Votre cœur en mourrait.
Secrète : « Recevez, Seigneur, avec bonté, les offrandes que nous vous présentons en l’honneur de la bienheureuse vierge Catherine, et, par ses mérites et son intercession, faites-nous parvenir à votre joie. »
Communion : « Ma fille, vous êtes bénie par le Seigneur Dieu très haut, au-dessus de toutes les femmes, car il a glorifié si magnifiquement votre nom sur la terre, que jamais votre louange ne cessera parmi les hommes. »
En effet, après plusieurs siècles, le nom de Catherine demeure aussi glorieux qu’au premier jour. Elle mourut le 29 avril 1380, à l’âge de trente-trois ans. Ses restes, inhumés
dans le cimetière des Dominicains de la Minerve, sauf sa tête que le bienheureux Raymond de Capoue, son confesseur, transporta lui-même à Sienne, furent glorifiés par tant de miracles que l’Église plaça Catherine sur les autels. Elle repose aujourd’hui sous l’autel majeur de la Minerve. Mais le Saint-Siège, se souvenant des services incomparables rendus par Catherine de Sienne à la papauté, l’a déclarée patronne secondaire de Rome.
C’est autour de Catherine de Sienne que se forma le premier groupe des Réformateurs de l’Ordre, qui eut pour chef le bienheureux Raymond de Capoue, son confesseur et son historien.
A ce titre, Catherine, simple tertiaire, est devenue comme une seconde fondatrice de l’Ordre. Et c’est ainsi que nous la vénérons. A son école tous, Frères et Sœurs, nous pouvons apprendre ce qu’est l’Ordre de Saint-Dominique : sa contemplation profonde, sa pauvreté, sa pénitence, son activité incessante pour le salut des âmes, pour l’enseignement et la défense de la foi. Les écrits de Catherine nous donnent ce sens profond de la vocation dominicaine. Que celui qui lit, comprenne.