Veuve, Fondatrice de la Visitation
Messe : Gaudeamus
Oraison : « Dieu tout-puissant et miséricordieux, qui avez embrasé de votre amour la bienheureuse Jeanne-Françoise ; qui l’avez conduite dans la voie de la perfection, à travers tous les chemins de la vie, par un admirable esprit de force ; qui avez voulu illustrer par elle votre Église en lui donnant une nouvelle famille, faites que, par ses mérites et ses prières, conscients de notre faiblesse, nous ayons confiance en votre puissance et que, avec le secours de votre céleste grâce, nous triomphions de tous les obstacles qui s’opposent à nous ».
Bourguignonne de naissance, comme saint Bernard, fille du Président du Parlement de Bourgogne, Jeanne-Françoise se montra, dès son enfance, décidée à servir le bon Dieu sans compter avec lui. Mariée au baron de
Chantal, elle fit de son château de Bourbilly comme le refuge et l’asile de tous les malheureux. Femme douée d’une intelligence supérieure, très fine d’esprit, pleine de tact et de mesure, très chaude de cœur, elle sut concilier ses devoirs d’épouse, de mère, de maîtresse de maison avec ceux de la charité la plus dévouée pour les malheureux. Elle les instruisait des choses de Dieu, elle les soignait dans leurs maladies, elle les aidait de ses ressources. Mais Dieu appelait plus haut cette âme d’élite. Il permit que le mari qu’elle aimait tendrement fût tué à la chasse par accident. Ce fut d’abord une détresse affreuse. Jeanne-Françoise, soumise à la volonté de Dieu, n’en sentait pas moins l’atrocité de la douleur. Car Dieu ne nous défend pas de sentir notre douleur. Jésus ne l’a-t-il pas sentie lui-même avec une profondeur infinie ? Ce que Dieu nous demande précisément c’est, comme il le demanda à son Fils agonisant, de lui offrir cette douleur ; c’est de comprendre que, puisqu’elle vient de lui, cette douleur nous est bonne et salutaire.
Pour Jeanne-Françoise, il fallait ce brisement affreux pour lui permettre de monter plus haut. Elle monta. Mais, pour l’aider à monter, Dieu, l’unique consolateur, mit sur sa route saint François de Sales. Seul, avec sa finesse d’âme, sa manière douce et souple, sans heurt, sans violence, il pouvait lui montrer la voie de Dieu. Jeanne-Françoise la suivit. Avec un pareil guide, elle ne pouvait s’égarer. Certes, François de Sales, malgré ses formes spirituelles, qui tiennent de la politesse d’un grand seigneur, n’en demandait pas moins les sacrifices les plus rudes. Et ce serait se tromper étrangement sur son humanisme de forme, d’extérieur, de style, que de croire qu’il n’allât pas lui aussi comme l’Esprit de Dieu dont il était plein, jusqu’à la « division de l’âme et de l’esprit », jusqu’à la moelle même du sacrifice. Il y alla si bien avec Jeanne-Françoise qu’il lui dit nettement ce que Dieu voulait d’elle : laisser ses enfants, et, elle, mère très tendre, aller fonder un nouvel ordre religieux cloîtré. Ce fut la Visitation Sainte-Marie. Oh ! le sacrifice fut dur. Et quand le petit Celse Bénigne se jeta à travers la porte pour empêcher sa mère de partir et qu’elle enjamba ce petit corps, ce fut pour Jeanne-Françoise le calvaire le plus affreux. Elle passa : où ne serait-elle pas passée pour le service de Dieu ? Elle passa, mais, son cœur de mère, meurtri à fond, n’oublia jamais ses enfants. Elle s’occupa d’eux, de leur instruction, de leur progrès. Ils furent pour elle le souci le plus affectueux. L’amour de Dieu n’a jamais desséché le cœur. Il l’élève, il le transforme, il l’ennoblit, il le fait plus grand. Et plus le cœur s’approche de Dieu, plus il prend dans le cœur de Dieu même un amour plus profond et plus tendre.
Jeanne-Françoise monta au plus haut de la perfection et, son œuvre accomplie, elle mourut à Moulins en 1641.
Force et tendresse, telle se présente cette sainte femme, qui est tout à la fois le modèle des femmes du monde, des veuves et des religieuses.