Mar 30

« Dans un monde qui s’écroule »

Il y a 27 ans, l’éditorial du numéro 4 du Sel de la terre (printemps 1993, p. 2) évoquait déjà la crise mondiale qui s’annonçait. Il n’est pas inintéressant de relire ces lignes, toujours actuelles puisqu’elles nous indiquent les causes de la crise et la source où nous pouvons trouver les remèdes.

ON NOUS ANNONCE DE DIVERS CÔTÉS QUE LE MONDE VA CONNAÎTRE PROCHAINEMENT UNE GRAVE CRISE. Pour celui qui a un peu lu et médité l’Apocalypse, il n’y a pas lieu de s’étonner. Le monde a abandonné Dieu, Dieu va laisser le monde se débrouiller tout seul…

Pie XII disait que notre monde était à refaire jusque dans ses fondations [1]. Si le monde s’écroule devant nous, il faut que nous soyons capables de lui proposer des fondations solides pour se relever. Autrement dit, il est capital de réfléchir sérieusement sur les principes de l’ordre temporel et de l’ordre surnaturel. On ne relève pas un bâtiment qui menace ruine en ravalant sa façade.

Seule l’Église catholique possède le remède à cette grande crise qui nous menace. Ce remède, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ et sa divine grâce, « gratia sanans et elevans (grâce qui guérit et qui élève) ». Lui seul peut guérir la nature humaine détraquée par le péché originel. Il est le seul salut pour les individus comme pour les institutions :

Non ! — Il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle où chacun se pose en docteur et en législateur — ; on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société si l’Église n’en jette les bases et n’en dirige les travaux. Non ! la civilisation n’est plus à inventer, ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est : c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : omnia instaurare in Christo [2].

Mais qui va nous donner aujourd’hui ces principes de l’ordre naturel et de l’ordre chrétien, ces fondements naturels et divins comme dit saint Pie X ? Il ne faut pas, malheureusement, les attendre des autorités romaines actuelles :

Ce serait absurde de vouloir revenir en arrière, retourner à un système de chrétienté politique. Mais il est vrai que nous nous sentons une responsabilité dans ce monde et désirons lui apporter notre contribution de catholiques. Nous ne souhaitons pas imposer le catholicisme à l’Occident, mais nous voulons que les valeurs fondamentales du christianisme et les valeurs libérales dominantes dans le monde d’aujourd’hui puissent se rencontrer et se féconder mutuellement [3].

Cela ne peut être plus clair : l’Église conciliaire a fait siens les principes du libéralisme et on lui demanderait en vain les principes d’un ordre social chrétien.

Ces principes nous devons les chercher chez le Docteur commun :

Comme il est le théologien parfait, ainsi que Nous l’avons dit, il donne des règles certaines et des préceptes de vie non seulement aux particuliers, mais aussi à la société familiale et civile, ce qui est l’objet de la morale domestique et de la morale politique. De là ces magnifiques chapitres que l’on trouve dans la deuxième partie de la Somme théologique, sur le régime paternel ou domestique et sur le pouvoir légitime dans la cité ou la nation ; sur le droit naturel et sur le droit des gens ; sur la paix et sur la guerre ; sur la justice et la propriété ; sur les lois et sur l’obéissance ; sur le devoir de veiller au bien des particuliers et à la prospérité publique, et cela aussi bien dans l’ordre surnaturel que dans l’ordre naturel. Si, dans les affaires particulières et publiques et dans les relations des nations entre elles, ces préceptes étaient religieusement et inviolablement observés, ils suffiraient pour établir parmi les hommes cette « paix du Christ dans le règne du Christ » que l’univers entier désire si ardemment. Il faut donc souhaiter que l’on étudie de plus en plus les enseignements de l’Aquinate sur le droit des gens et les lois qui régissent les rapports mutuels des nations, car ces enseignements contiennent les fondements d’une vraie Société des Nations, comme on dit aujourd’hui [4].

Tandis que le franc-maçon prend en main son équerre et son compas pour construire un nouvel ordre mondial, moderne Tour de Babel, nous tâcherons de proposer ici les principes immuables capables de guider ceux qui veulent reconstruire un monde chrétien.

[1]  — « C’est tout un monde qu’il faut refaire depuis ses fondations ; de sauvage il faut le rendre humain, d’humain le rendre divin, c’est-à-dire selon le cœur de Dieu. » (Exhortation au peuple de Rome, 10 février 1952).
[2]  — Saint Pie X : Lettre Notre charge apostolique sur le Sillon, 25 aout 1910.
[3]  — Cardinal Joseph Ratzinger, cité dans Le Monde du 17 novembre 1992.
[4]  — Pie XI, Encyclique Studiorum Ducem, 29 juin 1923.