Déclaration de l’abbé Brendan King, assistant du district de Grande-Bretagne de la FSSPX

Father Brendan KingSource : respicestellam
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Prononcée le dimanche 26 avril 2015 devant ses fidèles pour leur expliquer la situation de la Tradition.

Avertissement

La publication de ce texte et d’autres du même genre a un but d’information et non de polémique contre la Fraternité Saint-Pie X. Nous essayons de faire réfléchir sur les causes objectives et graves du trouble qui affecte un nombre grandissant de prêtres et de fidèles de la Tradition dans le monde entier, à la suite de la nouvelle orientation de la Maison générale de la Fraternité. Connaître les causes permet de chercher les remèdes.
L'abbé Brendan King, assistant du supérieur de district de Grande-Bretagne de la Fraternité Saint-Pie X, comme d’autres prêtres inquiets et qui le disent ouvertement, n’est pas un illuminé, ni un internaute fanatique, ni la victime d’un groupe de pression etc. Dans un sermon prononcé le dimanche 26 avril, il a exposé sa pensée sur la nouvelle direction prise par Menzingen dans les relations avec la Rome conciliaire et sur la consécration épiscopale de Mgr Jean-Michel Faure.
L'abbé Brendan King a été ordonné en 1987 à Écône. Il se trouvait à Preston depuis août 2006 et collaborait à des missions ; il a ainsi régulièrement visité la Scandinavie, le Danemark, la Norvège et la Suède.

 

Introduction et état de la question

Je voudrais vous parler aujourd’hui d’un sujet très important qui nous concerne tous. Cette question est celle de la direction que la Fraternité est en train de prendre pour l’avenir. Devons-nous garder le même chemin que nous avons suivi depuis que la FSSPX a été fondée par Mgr Lefebvre en 1970, ou la Providence nous guide-t-elle maintenant dans une direction différente ? La FSSPX et la Tradition catholique doivent-elles poursuivre dans le même chemin indiqué par son fondateur, ou devons-nous changer maintenant notre position pour nous rendre plus acceptables pour le monde moderne et l’Église post conciliaire et libéralisée ? Puis-je vous rappeler la position de la FSSPX depuis sa création, qui a toujours été de garder le juste milieu entre le sédévacantisme sur la droite et le libéralisme et le modernisme sur la gauche. Cela a toujours été le choix prudent et sage de notre saint fondateur, pour éviter ces deux extrêmes erronés. Je crois, et beaucoup d’autres pensent de même dans le clergé et parmi les laïcs, que depuis plusieurs années, la tête de la FSSPX s’est éloignée de ce juste milieu prudent et sûr, en prenant une nouvelle direction vers une sorte de rapprochement ou de réconciliation avec la Rome moderniste. Quand cette nouvelle orientation a-t-elle commencé et quelles ont été les circonstances qui l’ont favorisée ? Je dirais que son origine et sa cause ont été le pèlerinage très réussi à Rome en l’Année Sainte 2000.

Brève chronologie des événements

Les sacres épiscopaux de 1988

Revenons maintenant en arrière à l’année des Sacres, 1988. Le 30 juin de cette année-là, Mgr Lefebvre consacra quatre évêques de la tradition et fut sanctionné pour cet acte héroïque par une excommunication très injuste. Cet sanction, la FSSPX l’a toujours considérée comme invalide. Mgr Lefebvre a répondu dans sa défense, « excommunié par qui et pourquoi ? » Les douze années suivantes ont été comme une guerre froide entre la FSSPX et les autorités romaines modernistes. Mgr Lefebvre a été appelé à recevoir sa récompense éternelle en 1991 et Rome espérait et attendait la désagrégation de la FSSPX dans les années qui suivirent. En fait, le contraire est arrivé : la FSSPX, par la grâce de Dieu, s’est développée et étendue à travers le monde et les fruits de Tradition ont été riches et abondants. Les autorités romaines l’ont reconnu ; et les remarquables progrès comme l’expansion de la tradition étaient en contraste avec l’état alarmant de l’Église post-conciliaire, victime des fruits empoisonnés de Vatican II. L’observation de Paul VI que la fumée de Satan était entrée dans l’Église et que l’Église s’auto détruisait, devenait de plus en plus une réalité avec les années. L’Église connaissait la plus grave crise de son histoire et les apôtres aveugles du libéralisme et du modernisme occupant Rome la traitaient de progrès et de renouveau. Ceci est sûrement ce que Sœur Lucie décrit comme la désorientation diabolique dans l’Église et la crise la plus profonde de la foi conduisant l’Église dans l’apostasie. Dans ce contexte de désintégration, la FSSPX et la Tradition étaient florissantes tout simplement parce qu’elles étaient fidèles à la tradition et gardaient ce juste milieu sûr et prudent.

Le pèlerinage du jubilé en 2000 : début des contacts amicaux entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X

C’était plus ou moins l’état des choses quand, en 2000, la FSSPX a organisé un pèlerinage très réussi à Rome en août de cette année. Son succès fut tel que les autorités romaines ont commencé à prendre un intérêt plus profond pour le travail de la Tradition, et de nouveaux contacts ont été établis. Les Romains ont pu voir clairement que la FSSPX était une organisation sérieuse et florissante et ils semblaient être bien disposés envers nous.

Il est important de rappeler à ce stade que Mgr Lefebvre a toujours regardé Rome comme le centre de l’unité et a pris grand soin d’éviter l’accusation de schisme en maintenant le contact avec les autorités romaines. Il était aussi très conscient qu’il avait affaire à des libéraux et des modernistes qui utiliseraient la terminologie catholique dans un sens différent. Pour cette raison, il maintenait un sain détachement, en gardant une distance de sécurité par rapport à la contagion moderniste, mais toujours avec respect pour la fonction.

Propositions de Benoît XVI pour octroyer un statut canonique à la Fraternité Saint-Pie X

Après le succès de ce pèlerinage, les contacts amicaux ont continué au cours des dernières années du pontificat de Jean-Paul II à qui a succédé Joseph Ratzinger en 2005, le pape Benoît XVI. Ce pape a commencé à prendre un grand intérêt personnel au le «problème» de la Tradition et de la FSSPX et a commencé à travailler énergiquement à l’octroi à la FSSPX d’un statut canonique dans l’Église. La Rome moderniste devenait encore plus conviviale et sympathique envers la FSSPX. Mgr Fellay demanda à Rome d’accorder la pleine liberté au rite tridentin de la messe et de lever ou retirer l’excommunication des quatre évêques. Pour la FSSPX, c’était nécessaire pour établir l’existence d’une véritable bonne volonté de la part de Rome à l’égard de la Tradition et pour favoriser un climat de confiance et la confiance parmi les prêtres et les laïcs. Rome accéda à cette demande lorsque le pape Benoît publia le Motu proprio Summum Pontificorum et a levé les excommunications en janvier 2009. Un obstacle majeur était maintenant enlevé et le processus de rapprochement avec Rome prenait de l’ampleur. Beaucoup dans la FSSPX n’étaient toujours pas convaincus de la véritable bonne volonté de Rome étant donné leur attachement obstiné aux enseignements erronés et aux faux principes de Vatican II. Pourtant l’élan a continué malgré les discussions théologiques de haut niveau qui ont eu lieu pendant cette période entre la FSSPX et les théologiens romains. Ces pourparlers, que Rome n’a jamais publiés, ne servaient qu’à démontrer davantage à quel point la Rome moderniste s’était éloignée de la vérité catholique.

L’année 2012 : au bord d’un accord pratique

La situation évoluait désormais rapidement, au point que Rome a offert à ce moment un accord pratique concret au début de juin 2012 et il semble clair que Mgr Fellay était prêt à signer. Il apparaît qu’aurait été accordée à la FSSPX une Prélature personnelle, plutôt comme le statut de l’Opus Dei, mais les évêques locaux auraient à donner leur approbation, leur autorisation pour notre apostolat dans leurs diocèses. Cela allait clairement être un problème majeur. À la dernière minute, de façon inexplicable, le cardinal Muller a insisté pour que la FSSPX accepte Vatican II et la nouvelle messe. Mgr Fellay a refusé l’accord et les négociations ont échoué. En tout cas, c’est ce que nous avons pensé !

Vous vous souviendrez que Mgr Fellay nous a rendu visite en juin 2013 et a donné une conférence à Liverpool expliquant ses actions et sa stratégie dans les rapports avec la Rome moderniste. Il a dit à tous les prêtres du District à Preston qu’il s’était engagé dans ce processus long et étiré de négociations avec les autorités romaines parce qu’il voulait savoir ce qu’ils pensaient vraiment. Il répétait qu’il n’avait jamais été question d’un accord purement pratique. Mais si tel était le cas, alors quel type d’accord était-il sur le point de signer ? (Nous devons garder à l’esprit que le Chapitre général de 2006 avait décidé qu’il n’y aurait pas d’accord pratique avec Rome, sans retour clair et sans équivoque de Rome à la Tradition catholique). Il m’a dit en privé qu’il a estimé de son devoir d’engager la FSSPX dans ces discussions et négociations. Cela est tout à fait raisonnable bien sûr, mais n’avons-nous pas déjà la preuve accablante de ce que les autorités romaines pensaient et croyaient, et cela a été catégoriquement démontré à nouveau par ces discussions doctrinales récentes et leur échec inévitable. Les Romains veulent toujours que nous acceptions la Nouvelle Messe et Vatican II – cela a toujours été ainsi à l’époque de Mgr Lefebvre et ce l’est encore plus aujourd’hui sous ce pontificat révolutionnaire de François ! Pourquoi alors nous demandons nous, ces négociations en cours ? Et elles le sont clairement. L’impression que nous avions après l’échec de cet accord était que nous devrions nous retirer maintenant de ces contacts étroits, puisque l’intention des Romains était devenue limpide. Toutefois, les contacts ont été maintenus et cela a été confirmé récemment par Mgr Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei.

Revenons en juin 2012. J’étais à Ecône pour mon jubilé sacerdotal et l’atmosphère était pour le moins tendue. Je voulais parler à l’abbé Nely qui, comme deuxième assistant, est l’un des proches conseillers de Mgr Fellay. Il a accepté de me recevoir et je lui ai exprimé mes préoccupations au sujet d’un accord purement pratique avec Rome sans son authentique conversion à la Tradition. Puis je lui posai la question : n’est-il plus possible pour la FSSPX de tenir la position énoncée par Mgr Lefebvre, qui est ce JUSTE MILIEU ? Il n’a pas répondu directement à la question mais a déclaré que toute une génération de catholiques grandisse sans savoir ce que c’est d’être dans une relation normale avec Rome. Ce n’est pas normal, a-t-il dit et si nous ne faisons pas quelque chose à propos de notre situation canonique, alors nous allons devenir schismatiques ou sédévacantistes. Ce fut une révélation très intéressante de la pensée qui se cachait derrière cette nouvelle stratégie de négociation avec Rome de la part de Menzingen. Cela dit tout, en fait. Le problème n’était pas avec la Rome moderniste, mais avec la FSSPX qui se trouvait dans une situation anormale. Qui et qu’est-ce qui avait causé la situation anormale en premier lieu, sinon le Concile et les papes modernistes conciliaires ? Mgr Lefebvre n’a-t-il pas dit souvent (je l’ai entendu répéter de mes propres oreilles) : « Je n’ai pas de vues personnelles en matière de religion » ? Il avait l’habitude de dire que dans les années suivant le Concile, il se trouvait dans une position de plus en plus isolée jusqu’à ce qu’il soit enfin seul. Il n’a pas changé du tout, mais l’Église, après le Concile, a abandonné et rejeté deux mille ans de tradition pour embrasser les doctrines modernistes condamnées par l’Eglise. Nous nous sommes tous ralliés à lui parce que nous nous sentions tous abandonnés et trahis aussi, et nous avons reconnu dans sa voix et ses actes la voix de celui qui est le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis.

Rien n’a été signé : n’y a-t-il plus à s’inquiéter ?

Y aura-t-il un accord signé ? Beaucoup affirment que rien n’a été signé, donc il n’y a pas à s’inquiéter. C’est laisser entendre qu’on n’a rien compris, puisque tous les faits révèlent qu’il y a un accord tacite déjà en place. Si le mariage n’a pas encore été consommé, les conjoints sont engagés et fiancés. Beaucoup ont observé l’absence de critiques venant de Menzingen par rapport aux scandales et aux abus dans l’Église conciliaire au cours des dernières années, et en particulier au cours du présente pontificat. Silence pour l’essentiel, et quand il y a une réaction, au mieux elle est faible et en demi-teinte. Peut-être n’y aura-t-il jamais un accord signé, jugé inutile parce que la FSSPX est déjà sur la bonne voie pour devenir une autre Fraternité Saint-Pierre et que, dans une certaine mesure, elle est déjà sous le contrôle des autorités modernistes.

Permettez-moi de vous donner un exemple parfait, qui nous amène jusqu’à nos jours, et démontre clairement à quel point la FSSPX a changé et est sous l’influence de la Rome moderniste. Le 19 mars, en la fête de saint Joseph, Mgr Williamson a consacré évêque l’abbé Jean-Michel Faure dans un monastère bénédictin au Brésil. L’abbé Faure a été ordonné en 1977 à Ecône par Mgr Lefebvre et a été choisi par Mgr Lefebvre, qui l’a personnellement choisi pour être consacré avec les autres candidats à Ecône le 30 juin 1988. L’abbé Faure a dit à Mgr Lefebvre que l’abbé Alphonse de Galaretta serait un choix plus digne et c’est donc ce dernier qui a été consacré et non l’abbé Faure. Si l’abbé Faure était resté silencieux, il serait un évêque de la FSSPX depuis 27 ans. Le choix de l’abbé Faure était donc judicieux et certainement un acte nécessaire pour assurer la poursuite du sacerdoce, les sacrements, la succession apostolique et pour le salut des âmes. Menzingen a publié une déclaration le lendemain en disant que la FSSPX dénonçait la consécration : « La Fraternité Saint Pie X dénonce cette consécration épiscopale de l’abbé Faure, qui, malgré l’affirmation des deux clercs concernés, n’est pas du tout comparable aux Sacres de 1988. » La seule chose qui est nécessaire avant tout pour la vie de l’Eglise est le sacerdoce, et, sans évêques, il ne peut y avoir aucun prêtre et la foi sera détruite. Comment la FSSPX peut-elle dénoncer cette action alors que la crise dans l’Église est infiniment pire que ce qu’elle était en 1988 ! Moi-même, comme prêtre de la FSSPX, je ne dénonce pas, mais au contraire, je salue ce sacre comme un acte très nécessaire et héroïque. La seule conclusion qui peut être tirée de cette dénonciation est que les auteurs ne pensent plus que la crise est très grave, et qu’ils ont maintenant une nouvelle confiance dans la Rome moderniste pour fournir des évêques catholiques à l’avenir. Considérée objectivement, cette consécration était un bien positif pour l’Église, de l’ordre le plus élevé, et je ne peux personnellement pas comprendre aucune raison de la dénoncer. Si on la dénonce, logiquement, on dénonce les consécrations de 1988 également. Tant que la crise de la foi continue, ces consécrations sont nécessaires et effectuées pour continuer la vie de la véritable Eglise du Christ. Mgr Fellay et Menzingen ont dénoncé l’acte nécessaire à la survie de l’Église ! Un tel acte est une partie des plus nécessaires de l’opération survie et une coopération étroite et une entente avec la Rome conciliaire et moderniste est une opération suicide.

État de la situation

Nous ne sommes pas contre un retour à un statut juridique normal dans l’Eglise pour la Tradition catholique, mais les circonstances et le moment doivent être les bons.

À notre avis, nous pensons que la coopération étroite avec les autorités post-conciliaires à l’heure actuelle serait nuisible et même destructrice pour le but auquel nous travaillons et qui est la restauration complète dans l’Église de la Tradition catholique et l’établissement du Règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ. Tel était le but et l’objectif de notre fondateur Mgr Marcel Lefebvre et celle de tous les papes modernes jusqu’à l’époque de Vatican II.

Rome a toujours été le centre de l’unité catholique et la papauté la gardienne de l’orthodoxie pendant deux mille ans. Tragiquement, la Rome catholique et les successeurs de Pierre ont, durant les quarante dernières années, succombé à la puissante influence du protestantisme libéral et du modernisme conduisant à l’affaiblissement de la foi de millions d’âmes et menant l’Église du Christ à l’apostasie. En conséquence de cela, de fervents catholiques ont été obligés de retirer leur obéissance et l’allégeance aux autorités post-conciliaires afin de préserver leur foi et leur mode de vie catholique. Nous devons obéir à Dieu et l’autorité de la Tradition catholique, plutôt qu’aux faux bergers modernistes de la Rome contemporaine. Cette situation et ce choix ont été rendus obligatoires pour les catholiques traditionnels par la Rome moderniste, car Vatican II est la cause de la crise.

Nous n’acceptons pas que Rome soit maintenant plus sympathique envers la Tradition et plus favorablement disposée à l’égard de la FSSPX. Plutôt et au contraire, il y a tellement d’exemples d’une attitude très agressive envers tout groupe ou individu se tournant vers la Tradition et tombant sous la censure ecclésiastique. Il est incontestable que Rome est aujourd’hui plus moderniste et libérale que sous le pontificat de Jean-Paul II, alors plutôt que de chercher un rapprochement avec Rome, nous avons besoin pour maintenir notre position de rester prudemment mais respectueusement à l’écart.

Notre ferme et constante adhésion au magistère perpétuel de l’Église est certainement le meilleur témoignage que nous puissions donner à la Rome moderniste. Nous n’avons pas le droit de mettre en péril les fruits durement gagnés de quarante ans de combat pour la foi simplement parce que les autorités romaines sont agréables et accessibles et nous disent que nous pouvons leur faire confiance. Nous avons beaucoup trop à perdre et, à notre avis, un tel rapprochement serait prendre un risque énorme. Nous ne devons pas et ne pouvons pas dilapider le glorieux legs et héritage de Mgr Lefebvre.

Source : respicestellam