Fév 25

Mais d’où provient une telle évolution doctrinale ?

Ce texte, écrit il y a quelques années pour expliquer un changement d’attitude de certains prêtres, a gardé toute son actualité. Nous avons offert un abonnement au Sel de la terre d’un an à la première personne qui a trouvé l’auteur et la référence de ce texte (nous n’avons pas changé le texte, mais seulement effectué quelques coupures).

Il existe une distorsion importante entre les déclarations les plus claires, les plus constantes et les plus anciennes de Mgr Lefebvre sur la réforme liturgique, la liberté religieuse et le concile Vatican II, et les positions actuellement soutenues par vous.

Dans une telle situation, trois hypothèses seulement sont possibles : soit vous n’aviez pas pris connaissance des positions réelles de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X et vous souteniez le prélat et son œuvre par ignorance ; soit, les connaissant et ne les approuvant pas, vous êtes néanmoins restés apparemment avec Mgr Lefebvre et la Fraternité Saint-Pie X par hypocrisie ; soit la différence s’explique par votre évolution doctrinale sur ce problème entre avant les sacres et après les sacres.

L’hypothèse de l’ignorance me paraît psychologiquement impossible, voire grotesque. Il est évidemment impossible qu’aucun de vous n’ait jamais lu aucun ouvrage de Mgr Lefebvre, n’ait jamais suivi une seule de ses prédications, n’ait jamais entendu parler de ses positions les plus constantes et les plus officielles. L’ignorance est donc à rejeter absolument.

L’hypothèse de l’hypocrisie est en soi possible. Cependant, elle me paraît extrêmement peu probable, vu le nombre des personnes en cause et leur qualité morale. Par ailleurs, elle représente une injure d’une telle gravité que seule une déclaration explicite en ce sens des personnes concernées pourrait me la faire admettre. C’est pourquoi j’écarte l’hypocrisie comme cause explicative de votre évolution.

Or, si vous connaissiez la position de Mgr Lefebvre sur la réforme liturgique, la liberté religieuse et le concile Vatican II (rejet de l’ignorance) ; si vous n’en étiez pas des opposants clandestins et menteurs (rejet de l’hypocrisie) ; alors la troisième hypothèse est forcément la bonne : votre changement de position s’explique par une évolution doctrinale sur ce problème.

Mais d’où provient une telle évolution doctrinale ? Ici, deux hypothèses sont possibles : soit la cause est d’ordre purement intellectuel, soit elle est d’ordre moral et psychologique.

L’hypothèse d’une évolution purement intellectuelle me semble relever plus du miracle que de l’histoire. Il faudrait imaginer un subit changement des esprits, une illumination intellectuelle sur la bonté de la réforme liturgique, sur la vérité de la déclaration Dignitatis humanæ, sur l’opportunité du concile Vatican II. Un historien sérieux ne peut que récuser une hypothèse aussi invraisemblable.

La seule hypothèse valable est donc celle d’une cause morale et psychologique, c’est-à-dire issue des circonstances extérieures. Or, on ne peut relever qu’une seule cause : ce sont vos tractations avec Rome et avec les évêques diocésains.

En effet, tous vos interlocuteurs romains et diocésains sont en faveur de la réforme liturgique, de la déclaration Dignitatis humanæ et du concile Vatican II. Il est donc naturel, évident, historiquement certain que, lorsque vous négociez avec Rome et les évêques et réclamez certains avantages, vous êtes vous-mêmes dans l’obligation de taire, d’adoucir ou de faire disparaître votre opposition à la réforme liturgique, à la déclaration Dignitatis humanæ et au concile, sous peine de vous trouver dans une situation psychologique intenable. Telle est la seule et véritable cause de votre évolution doctrinale : le poids moral de vos interlocuteurs et votre propre désir d’aboutir à des résultats tangibles dans des négociations difficiles où vous êtes largement minoritaires. Une telle situation vous oblige à des concessions, au moins verbales.

Je ne prétends pas que vous faites ces concessions par lâcheté. Simplement, arrivés à ce stade de votre évolution, vous estimez possible et nécessaire de tempérer certaines oppositions dans le but d’obtenir des résultats plus importants. Mais, à considérer objectivement votre attitude actuelle, je suis obligé de noter un recul sur des points qui ont toujours été considérés comme vitaux dans le combat traditionaliste.

La conclusion est donc extrêmement claire : malgré votre bonne volonté et votre désir primitif de rester fidèles à la Tradition, il vous a été impossible de maintenir fermement votre opposition à la réforme liturgique, à la liberté religieuse et au concile, tout en poursuivant des négociations avec des interlocuteurs qui maintenaient fermement leur soutien à cette réforme liturgique, à cette liberté religieuse et à ce concile.

Dans l’état actuel des choses, les négociations et les accords avec Rome et avec les évêques diocésains aboutissent nécessairement, dans un délai plus ou moins long, à l’abandon des positions soutenues depuis toujours par la Tradition et notamment par Mgr Lefebvre.

Autrement dit, la Rome actuelle n’a qu’un seul but : ramener tous ceux qui négocient avec elle vers les erreurs du concile et vers la réforme liturgique. La vérité toute crue, la voilà : Rome ne soutient pas réellement la Tradition, c’est pourquoi elle n’a pas tenu ses promesses, pas plus qu’elle ne voulait sincèrement l’aboutissement des négociations.

L’auteur du texte précédent, a écrit en décembre 2014 dans une revue à grand tirage :

Nous souhaitons de tout notre cœur, et au plus vite, une « réconciliation », qui serait bonne pour les uns et les autres, et en général pour toute l’Église. Les difficultés sont objectives, elles ne dépendent pas d’abord des individus, mais nous pouvons toujours prier pour que le Seigneur « rassemble son Église dans l’unité ». C’est d’ailleurs ce que nous faisons chaque jour avec ferveur.