Première lettre circulaire des membres de la Société de Jésus couronné d’épines

Mesdames, mesdemoiselles,

Réunion du 11 avril

Nous voulons profiter de cette lettre pour vous tenir au courant de notre modeste travail pour promouvoir la modestie chrétienne autour de nous.

À la dernière réunion de la Société de Jésus couronné d’épines nous avons continué le résumé du livre de Dom Maréchaux La modestie chrétienne. Nous en sommes arrivés au chapitre VIII : La pensée de saint Thomas d’Aquin. Arrivé à ce point nous n’avons pas beaucoup avancé, car ce chapitre, ou plutôt son contenu, est d’une importance fondamentale.

Mais pourquoi saint Thomas ?

Pour repousser tout soupçon de partialité, laissons la parole au pape Léon XIII, instituant le Docteur Angélique Patron des Écoles Catholiques :

« Sa doctrine possède ce grand avantage que, munie de principes d’une grande largeur d’application, elle répond aux nécessités, non pas d’une époque, mais de tous les temps, et qu’elle est très propre à vaincre les erreurs sans cesse renaissantes. »

En toute sûreté nous pouvons donc, avec le Pape Léon XIII, nous fier à saint Thomas. Et que nous dit-il au sujet de la modestie ? Il y consacre deux questions dans sa Somme Théologique (nous allons en donner le résumé ; pour plus de détails cf. II-II Q. 169, art. 1, 2).

Il se demande d’abord : peut-il y avoir vertu et vice dans la tenue extérieure (art.1) ?

Voici la réponse : les choses extérieures (c’est-à-dire tel ou tel vêtement), en soi, ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais elles nous mériteront une louange ou un blâme dès que nous les prendrons à notre usage. Si on le fait avec modération, ce sera vertueux, mais si l’on fait avec excès ou défaut, ce sera blâmable. Nous allons voir seulement le vice par excès, puisque le vice par défaut est relativement rare.

L’abus dans la tenue extérieure peut se produire de deux façons :

• quand on blesse les usages des personnes honnêtes avec lesquelles on vit (rompre avec un usage immodeste est plutôt l’acte de vertu…) ;
• ensuite en raison de l’esprit, ou de l’intention qu’on apporte en usant de tels objets, ce qui arrive par :
  • vaine gloire (par ce moyen on veut se faire exalter aux yeux des autres),
  • amour exagéré du bien-être, du confort,
  • sollicitude superflue (on le fait avec exagération, mais sans mauvaise intention).

Voilà trois désordres possibles qui résultent de l’abus dans la tenue extérieure, auquel Saint Thomas oppose trois remèdes :

• l’humilité, qui exclut l’envie de briller au moyen du luxe,
• la suffisance, qui bannit l’amour de délice,
• la simplicité, qui invite à ne pas attacher à de telles choses une importance déraisonnable.

Des considérations générales passons à celles spéciales et demandons-nous (avec saint Thomas) : peut-on pécher en se parant avec trop de recherche (art. 2) ?

Avant de laisser la parole (ou la plume) au Docteur Angélique, précisons seulement que la question de la modestie intéresse davantage les femmes que les hommes, puisque la parure féminine peut facilement provoquer les hommes au péché. Et une objection du rang féminin se soulève inévitablement : si c’est comme ça il vaut mieux vider notre garde-robe et nous procurer des sacs de pommes de terre, sacs grands, laids, de préférence gris, deux au maximum (pour pouvoir en changer)…

Mesdames, mesdemoiselles, un instant de patience, s’il vous plaît ! Regardons ensemble le schéma qui suit.

Femme :

• mariée: peut mettre certaines parures pour retenir l’affection de son mari ; c’est la garantie contre les tentations d’infidélité[1],
• non-mariée:
  • et qui ne pense pas au mariage, si elle se pare :
    • pour attirer sur elle des regards de concupiscence, elle commet un péché mortel,
    • dans un but de vaine gloire, c’est au moins un péché véniel,
    • sans vanité, en suivant une coutume qui n’est pas louable (en toute bonne foi elle suit la mode en pensant que c’est tout à fait correct), peut être excusée de tout péché, à cause de l’ignorance.
  • mais qui pense se marier un jour : elle peut chercher à plaire par sa parure, pourvu toutefois qu’elle ne se permette rien qui soit contraire à la modestie chrétienne (Mgr Gousset).

Ainsi Saint Thomas nous semble beaucoup moins sévère qu’il ne nous paraît parfois sur ses images. En fait c’est quelqu’un qui a les deux pieds bien plantés sur le sol, quelqu’un de très sage et avec beaucoup de bon sens, qui n’oublie pour autant, les principes qui doivent imprégner toute notre vie ici-bas, imprégner et régner sur elle, pour qu’il n’y ait plus de dissonance entre la théorie et la pratique. Soyez donc assurées, chères dames et demoiselles, il ne s’agit pas de se couvrir de sac à patates, ou de s’enlaidir, ou encore de s’habiller comme une bonne sœur en civil.

« La vraie beauté, rappelait Mgr Manier en 1920, est celle qui charme le cœur sans crainte de le séduire (…) ».
De même Mgr Ruch ajouta en 1924 : « sans exclure le bon goût et l’élégance, conservez le modestie qui caractérise le chrétienne, la bienséance et la grâce qui distingue la Française ».

Maintenant nous pouvons enfin dire ce qu’est la modestie : c’est une vertu qui aide l’homme à garder la modération.

Mesures

Ce n’est pas par hasard que nous avons mis en gras le début du mot modestie. Il vient de mot latin modus qui signifie le mode, la mesure. Et justement répondons à une question, plusieurs fois posée, concernant les mesures à appliquer dans la tenue vestimentaire.

Voici quelques recommandations :

• • Que les femmes se couvrent la tête, qu’elles n’utilisent pas de vêtements moulants, de décolletés, mais des vêtements amples descendant en dessous des genoux et avec des manches qui couvrent l’avant-bras. Une bonne mesure en dessous des genoux », demandait le Saint Curé d’Ars. Il savait, par sa longue expérience du confessionnal, combien de péchés se commettent par les yeux.
  • Que les hommes aussi dès leur plus jeune âge assistent à la messe bien vêtus (endimanchés). Lors d’évènements ou de célébration de bonne société, personne ne se présente pas en manches de chemise, chemise ouverte, etc. Encore moins cela doit-il être permis dans la maison de Dieu.

Finissons en citant le Pape Pie XII :

« Dieu ne demande pas aux femmes de vivre en dehors de leur temps [2] (…), ce que Dieu leur demande c’est de se souvenir que la mode n’est, ni peut être, la règle suprême de leur conduite » [3].

Prochaine réunion

La prochaine réunion aura lieu le 6 juin, comme d’habitude après la Messe de 10 heures (donc vers 11 heures), dans la salle Notre-Dame des Anges. Vous pouvez aussi y invitez vos connaissances qui seraient intéressées au sujet de la modestie. Pendant cette réunion une membre de notre société présentera une conférence sur le féminisme.

N’hésitez pas à nous communiquer vos questions ou remarques au sujet de cette lettre, des conférences ou de la Société de Jésus couronné d’épines. Vous pouvez aussi faire des propositions des sujets qu’il vous semble nécessaires à traiter pendant nos réunions.

N’oubliez surtout pas de votre petit engagement quotidien, c‘est à dire de l’invocation Notre-Dame de la Sainte Espérance convertissez-nous, ainsi qu’un Ave Maria, et à nouveau Notre-Dame de la Sainte Espérance convertissez-nous…et bien sûr de donner toujours un bon exemple de la modestie chrétienne dans la tenue extérieure.

Avec l’Immaculée : Frère Hyacinthe-Marie OP

[1] on insiste sur son mari, car si elle voulait attirer et retenir l’affection du mari qui n’est pas le sien elle pécherait gravement, et bien sûr cela ne préserverait personne du danger de l’infidélité…
[2] comme les membres de la secte Amish, en vivant comme si nous étions toujours au XVIII^e siècle.
[3] Allocution à un groupe de jeunes filles espagnoles de l’Action catholique, 9 avril 1956.